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[CRITIQUE] Alice – Aux pays des panthers

Il convient d’appréhender la première œuvre cinématographique de la scénariste et réalisatrice Krystin Ver Linden, Alice, avec une certaine délicatesse, car le degré de satisfaction qu’elle procure dépend intrinsèquement de la réaction du spectateur face au dénouement survenant après 39 minutes de projection. Ver Linden amorce ce drame, s’inspirant d’événements réels, en présentant le personnage éponyme, incarné par Keke Palmer, qui s’unit à Joseph (interprété par Gaius Charles) dans un environnement de servitude, au sein d’une plantation de Géorgie, peu avant le déclenchement de la guerre civile, l’année demeurant énigmatique. Leur engagement, scellé lors d’un sermon, reflète la contrainte imposée par leur statut d’esclaves, réduisant leur liberté à sa plus minime expression.

Le maître des lieux, Paul Bennett (joué par Jonny Lee Miller), règne d’une main de fer sur la population noire de sa plantation, s’adonnant à des sévices cruels. L’on assiste ainsi à une séquence où il châtie violemment Joseph pour une infraction mineure au règlement. Ultérieurement, lorsque ce dernier se trouve engagé dans une altercation avec Aaron (incarné par Craig Stark), l’intendant de Bennett, puis tente de s’évader, il est reconduit à l’agonie. Cet épisode pousse Alice à envisager à son tour la fuite, nous menant ainsi à ce moment fatidique des 39 premières minutes. Quant à la suite des événements, je m’en tiendrai à ceci : Common fait une apparition significative, et l’esthétique adoptée au cours de la dernière heure s’éloigne davantage d’une fidélité stricte à l’histoire pour s’inscrire dans la lignée des films de blaxploitation, avec une référence particulière à Pam Grier.

L’éducation et l’assimilation de la culture noire par Alice transparaissent à travers divers médias de la culture populaire : des magazines tels que Ebony et Rolling Stone, la musique de Stevie Wonder et Nina Simone, ainsi que des émissions de télévision comme Sanford & Son et Black Panther news. Mais c’est à travers un moment capital de transformation que s’opère l’éveil d’Alice : sa visite au cinéma pour découvrir le classique emblématique Coffy, la panthère noire de Harlem avec Pam Grier, un instant charnière qui métamorphose le récit, le faisant passer du drame esclavagiste au voyage temporel, pour finir sur une conclusion à l’aura sauvage héritée du mouvement blaxploitation (imaginons un croisement entre Django Unchained et Retour vers le futur).

Par ailleurs, le film de Ver Linden se révèle être un véritable joyau, magnifié par des images saisissantes et une partition sonore dynamique (dont l’apport de Common est notable). Palmer, quant à elle, livre une performance impétueuse et profondément ancrée émotionnellement dans le rôle d’Alice, incarnant à la perfection la transformation de l’impuissance et de la peur en colère et en puissance. Quant à cet événement survenant à la 39e minute dans Alice, il suscitera des réactions contrastées. Pour ma part, j’ai été subjugué par la maestria de Ver Linden à maintenir notre intérêt en éveil.

Alice demeure une histoire novatrice, portée par une vision captivante émanant d’une réalisatrice émergente, dont les idées et les concepts méritent d’être célébrés.

Alice de Krystin Ver Linden, 1h38, avec Keke Palmer, Common, Jonny Lee Miller – En VOD le 25 septembre 2022