[CRITIQUE] After Blue (Paradis sale) – Phalliquement, c’est une demi-molle

Le récent opus cinématographique de Bertrand Mandico, After Blue (Paradis sale), s’inscrit dans une ambition folle, une beauté saisissante et pourtant une lenteur désespérante.

Dans un futur incertain, l’humanité, ayant délaissé la Terre, a émigré vers une planète lointaine baptisée After Blue. Cette nouvelle colonie, soucieuse d’éviter les écueils ayant précipité la catastrophe terrestre, s’est fragmentée en communautés distinctes selon les nationalités, limitant voire prohibant les interactions intergroupes. De manière singulière, l’atmosphère inhérente à cette planète a fauché la gent masculine, laissant en son sein diverses factions matriarcales dirigeantes, contraintes à la procréation par le biais de l’insémination artificielle.

Au cœur de cet univers singulier, éloigné de toute normalité, se déploie l’histoire de Roxy (Paula-Luna Breitenfelder), victime des tourments infligés par un groupe de jeunes femmes. L’irruption d’une tête émergeant des flots s’avère être celle d’une femme ensevelie jusqu’au cou, laissée pour morte. Roxy, animée par une volonté d’assistance, entreprend de dégager la naufragée du sable. Libérée, cette dernière se révèle être la célèbre criminelle Kate Bush (Agata Buzek). Accordant à Roxy le privilège de trois vœux, Kate, sans délai, élimine les autres femmes en mer. Roxy, protestant n’avoir exprimé de tels souhaits, se voit rétorquer par Kate la supposée capacité de deviner les intentions véritables. Puis, cette dernière s’éclipse. La nouvelle de la fuite de Kate Bush parvient promptement au camp de Roxy, où les anciens confient à la mère de Roxy, Zora (Elina Löwensohn), la coiffeuse locale, la responsabilité de pourchasser et d’anéantir Kate.

Ainsi débute la traque mère-fille, métamorphosant le film du registre de la science-fiction en une étrangeté presque néo-western, alors que Zora et Roxy parcourent des paysages psychédéliques, rencontrant des autochtones singuliers de divers villages. Leur chemin croise celui de Sternberg (Vimala Pons), une femme énigmatique se prétendant voisine de Kate mais dissimulant des secrets. Zora et Roxy élisent domicile chez elle, tandis que Roxy est assaillie de visions récurrentes de Kate, tantôt érotiques, tantôt menaçantes, parfois les deux. La plupart des protagonistes semblent évoluer dans un état de rêverie sensuelle constant, un émoi exacerbé par la mise en scène singulière de Mandico.

L’univers d’After Blue, qu’il s’agisse de la planète ou du film, se pare de symboles phalliques et de cavités féminines béantes. Les personnages s’engouffrent sans cesse dans des interstices, se massent ou se prodiguent des massages recouverts de fluides visqueux. Si la nudité affleure à l’occasion, le film n’est pas explicitement érotique, mais incarne davantage un état de désir primal, à la fois physique et psychologique. Le casting s’enrichit d’un androïde androgyne, Olgar 2 (Michael Erpelding), ainsi que d’un duo de chasseurs de primes, Kiffer (Pauline Lorillard) et Climax (Anais Thomas). Kate Bush devient le pivot autour duquel s’agrègent ces personnages, se présentant comme l’esprit d’After Blue, capable de communiquer avec les autochtones de la planète (êtres affublés de combinaisons en caoutchouc, leur bouche remplacée par d’immenses orifices béants). Cette étrangeté cosmique, bien que saisissante, peine à pallier la lenteur du récit. Mandico, fidèle à ses inspirations telles que Kenneth Anger, Jack Smith ou encore Jean Cocteau, fusionne cette esthétique singulière avec l’héritage stylisé de Josef von Sternberg, notamment les décors entièrement artificiels d’Anatahan.

After Blue séduit par sa conception remarquable, mais souffre d’un éventail d’idées restreint, s’épuisant rapidement dès lors que les répétitions s’installent. Si bien des aspects charmeront les cinéphiles les plus aventureux, la cadence et le rythme demeurent des éléments cruciaux, même dans les expérimentations artistiques. Au-delà des décors fantasmagoriques et de l’opulence visuelle, le film peine à transcender son concept initial.

After Blue (Paradis sale) de Bertrand Mandico, 2h07, avec Elina Löwensohn, Paula Luna, Vimala Pons – Au cinéma le 16 février 2022.

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