Le film de Maïwenn se distingue par un travail empreint de quiétude et de contemplation, explorant la manière dont le pouvoir de la perte douloureuse peut éclairer l’amour et nos origines. Il ne se contente pas de briser les mythes ou les conventions cinématographiques, mais offre également une rare représentation de familles qui chérissent et respectent leurs aînés, une rareté dans le paysage cinématographique américain. À travers cet événement, l’affection tendre envers un grand-parent et la perte de cette affection, éternelle, l’œuvre narre une histoire sur l’identité et la construction de soi après la disparition du gardien de l’histoire familiale.
Maïwenn incarne Neige, dont l’histoire tourne autour de la disparition de son grand-père, Emir (interprété par l’acteur français Omar Marwan), homme fier de son héritage et de son rôle dans l’armée et la politique algériennes. À son décès, la famille se réunit, découvrant rapidement le vide laissé par Emir, le pilier qui maintenait la famille unie. Cette perte ravive de vieilles blessures, faisant voler en éclats la barrière protectrice que représentaient les enfants. Ainsi, Neige s’engage sur une voie marquée par l’alcool, seul réconfort à ses tourments, symbolisé par le martini occasionnel agrémenté d’une olive. La famille, dans toute sa désorganisation, demeure l’un des rares liens stables, même au cœur des plus grandes turbulences. Le scénario sonde avec justesse, tandis que les frères et sœurs de Neige demeurent un soutien constant.
La scène la plus remarquable du film met en scène Neige et sa mère, Caroline (la remarquable Fanny Ardant). Neige décrit alors comment la présence et même l’attitude critique ouvrent des plaies à vif chez elle, faisant vaciller la façade solide de Caroline à chaque mot blessant. C’est un moment d’une puissance rare, l’un des sommets du cinéma français de l’année. Cependant, là où l’histoire fléchit, c’est lorsqu’elle se concentre sur les défauts des autres, laissant de côté les siens. Bien que nous la voyions être troublée par l’alcool et la malnutrition, la semi-biographie du film ne permet pas une compréhension approfondie des troubles mentaux liés à la dépendance. L’obsession de découvrir son histoire familiale couvre trop d’autres aspects. Son désir d’obtenir la nationalité algérienne aurait mérité plus de contexte. En ce qui concerne la performance de Maïwenn, elle réussit à dépeindre avec finesse les caractéristiques des personnages déchirés par l’alcoolisme. Neige, impatiente, dotée d’une faible estime de soi, se montre défensive, renfermée et impulsive. Un personnage caustique, à la fois attachant et troublant, dont la douleur semble inextinguible.
ADN se déploie comme un drame familial qui capture une tranche de vie au lieu de suivre un schéma narratif conventionnel. Sa perspective culturelle unique guide l’histoire. Bien qu’il aurait pu bénéficier d’une structure plus rigoureuse et d’une meilleure compréhension de son protagoniste, tout en évitant l’auto-indulgence, l’œuvre parvient malgré tout à toucher. Son style détendu et contemplatif, sincère et parfois émouvant, offre une expérience cinématographique singulière, caractéristique de Maïwenn.
ADN de Maïwenn, 1h30, avec Maïwenn, Omar Marwan, Fanny Ardant – Au cinéma le 28 octobre 2020
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