Pour ce quatrième jour de l’Etrange, encore des films du passé (oui je sais, les films récents arrivent bientôt) et deux films comptant plusieurs points communs : deux longs-métrages japonais, réalisés par des Takashi, deux films de yakuzas, tous deux découverts grâce à la carte blanche donnée à Gareth Evans, et surtout deux films… étonnants.
A Colt is my Passport
Gareth Evans sait présenter ses films. Je ne sais pas pour vous, mais quand on me dit que je vais voir un film japonais empruntant des codes du cinéma de Melville et du western spaghetti, je suis excité. Et j’avoue que je n’ai rien à redire là-dessus, A Colt is my Passport, réalisé par Takashi Nomura, est littéralement ce qu’Evans a décrit en préambule : un étrange mélange entre gangsters melvilliens et western spaghetti au pays du Soleil Levant. L’histoire se résume ainsi : après avoir rempli leur contrat, deux tueurs à gages vont devoir se cacher des yakuzas qui vont vouloir leur tête. Les deux compères vont se réfugier dans un hôtel et préparer leur fuite.
A Colt is my Passport est un film assez unique, dû au mélange des genres qu’il effectue. Porté par le charismatique Joe Shishido, le film arrive à faire cohabiter deux univers assez distincts de prime abord, mais est bien la rencontre entre Le Samouraï et Pour une Poignée de Dollars. Musique à l’harmonica façon Morricone, posture froide abordée par le tueur (notamment sur le début du film), face-à-face final absolument lunaire dont je garde la surprise pour que vous en profitiez au maximum : A Colt is my Passport est une œuvre absolument fascinante.
Mais le film de Nomura souffre d’un scénario assez friable et de longueurs évidentes malgré sa courte durée. Malheureusement, l’on sent qu’hormis le pari fou de faire cohabiter ces deux univers occidentaux avec le film de yakuza, et quand bien même le réalisateur s’imprègne parfaitement de ces codes, le film n’arrive pas à être plus qu’un pastiche de ses inspirations.
Encore une fois, c’est réellement dommage, car Nomura sait réaliser et iconiser ses personnages, mais il manque maintenant un souffle épique ou dramaturgique pour faire de A Colt is my Passport une œuvre culte. On espère que le destin sera clément pour le film et pour vous, une ressortie au cinéma ? c’est tout ce qu’on lui souhaite.
A Colt is my Passport de Takashi Nomura, 1h24, avec Jô Shishido et Chitose Kobayashi – Sorti en 1967
Dead or Alive
Voici maintenant un autre film proposé par Gareth Evans, le Dead or Alive de Takashi Miike. En préambule, je ne m’étais pas informé sur ce film, comme souvent, et étais donc persuadé que j’allais en direction de l’adaptation du jeu de combat. Il faut dire qu’avec le passif de Miike, ses nombreuses adaptations de mangas et de jeux vidéo, la pensée n’était pas si absurde.
Quelle ne fut pas ma surprise de me retrouver face à cet objet fou dès sa scène d’introduction, qui nous met tout de suite dans le bain. Cocaïne, strip-tease, violence, hémoglobine, re-violence et mes amours Ren Osugi et Susumu Terajima, le réalisateur ne compte pas faire dans la dentèle. Dead or Alive a un synopsis comme il y en a tant, une rivalité entre un policier et un gangster qui va les amener à côtoyer le chemin de la mort. Mais Miike en bon réalisateur un peu trop prolifique qu’il est (32 ans de carrière, 59 films sans compter d’autres projets, sériels ou théâtraux) fait de son film un œuvre grandiose, grandiloquente et surtout assez généreuse en hémoglobines.
Si je parlais de A Colt is my Passport comme d’un film avec des longueurs, Dead or Alive est lui totalement l’inverse, sans temps mort et ne lâchant pas son spectateur de la première à la dernière seconde. Il faut saluer tout le talent de Takashi Miike dans ce film et sa manière à faire cohabiter tous les corps qu’il filme dans le cadre. Les chorégraphies sont parfaites, les scènes de fusillades sont généreuses, tout comme les acteurs, se donnant tous à fond dans tous ces affrontements au déroulé parfois improbable.
Si Miike a réalisé quantité de films, il est assez amusant de remarquer que ses plus connus (Ichi the Killer, Audition, Visitor Q et donc Dead or Alive) ont tous été faits sur une courte période (à deux ans d’intervalle). Miike livre ici un film de yakuzas assez éloigné de maîtres du genre comme Fukasaku, ou Kitano et puise plutôt son inspiration de la culture-pop japonaise, comme à son habitude. Mais on pourrait aussi rapprocher Dead or Alive du cinéma de polars hong-kongais où l’on y retrouve cette impressionnante violence, des séquences électrisantes, et un rythme effréné de son scénario. Personnellement, je trouve ce film somptueux. En tout cas, Dead or Alive comme A Colt is my Passport sont deux propositions japonaises assez originales et maîtrisées, un bonheur de les avoir découverts dans ce contexte festivalier.
Dead or Alive de Takashi Miike, 1h45, avec Show Aikawa & Riki Takeuchi – Sorti en 1999