Le film de sport trouve ses limites lorsque ses enjeux ne sont pas suffisamment développés, les personnages désincarnés et réduits à des acteurs d’une scène prévisible. Autrement dit, lorsque le seul propos du film consiste en la victoire du protagoniste contre l’adversaire, le spectateur ne peut y trouver grand intérêt. Au mieux, il l’oubliera quelques jours, semaines plus tard.
5ème Set est un film sur le tennis, relatant l’histoire du joueur Thomas Edisson âgé de 37 ans, ancien demi-finaliste du Grand Chelem de Roland-Garros 17 ans auparavant, n’ayant jamais su se remettre de cet échec, alors qu’il était proche de trouver la finale. De devenir le « grand champion » donc, que sa mère voyait en lui. Seulement, il décide un jour et cela malgré les complications physiques dont il a été victime auparavant, de se présenter aux qualifications pour le premier tour de Roland-Garros. L’histoire d’un périple pour renaître… Quentin Reynaud a été suffisamment malin pour ne pas restreindre son sujet au simple apitoiement d’un sportif sur son sort, mais au contraire, d’expliquer le pourquoi du ressenti psychologique d’un personnage bloqué dans le passé. Pour cela, il présente chaque perspective à tour de rôle : de la mère désillusionnée par l’échec de son fils, à la femme se sacrifiant pour la carrière de son mari, aux questions intrusives des journalistes en conférence de presse, etc.
Le tennis handicape le joueur puisqu’il affecte le corps du personnage, quitte à le détruire physiquement et intérieurement, mais également son entourage : il occasionne la rupture du lien familial, comme la perte de toute sécurité financière pour un sportif relégué aux accessoires du sport puisque moins populaire… Alex Lutz, brillant acteur, ne peut qu’être impressionnant lorsqu’il craque émotionnellement et rappelle à sa mère, qu’il n’est plus l’enfant se cachant derrière les murs du court de tennis pour ne pas dévoiler aux autres ses émotions. 5ème Set évoque également avec brio le dépassement d’une condition établie par le ressenti psychologique et physique du joueur, majoritairement influencé par son environnement extérieur. A ce titre, les séquences de matchs sont magnifiquement construites, Reynaud choisissant de filmer notamment à la caméra portée, les frappes des joueurs entre dynamisme et abstraction (voir le passage cette fois-ci filmé en caméra télé, utile puisque démonstratif du paradoxe entre la perspective du public et celle du sportif).
Surtout, les spectateurs du tennis peuvent être vecteur de soutien psychologique au joueur, le regard bouleversant d’Alex Lutz croisant celui d’Ana Girardot comme celui de Kristin Scott Thomas n’a jamais été aussi important que pendant le match décisif. Le tennis semble être vécu comme une passion par tous, pouvant faire renaître à tout moment le sportif âgé, par la force de sa détermination et son courage. Les jeunes prodiges – quand bien même ils ne deviendraient pas non plus de grands champions -s’émerveillent devant le match diffusé à la télé, le fils – de la raquette d’un père ne croyant plus en lui. Le tennis n’est beau que lorsque les cœurs battent la chamade ensemble, accordant après la souffrance psychologique ou physique, la renaissance d’un joueur. Le ralenti introductif/final prend tout son sens : la fin n’est pas la victoire sur l’autre, mais de gagner contre soi.
5ème Set est un très beau film de sport, captivant et touchant. Bien qu’il soit un peu expéditif dans son dernier quart d’heure, les performances des acteurs sont impressionnantes. Quentin Reynaud conjugue intimisme et réalisme, illustrant ce qu’est le tennis comme tout sport : un combat physique et mental.
5ème Set au cinéma le 16 juin 2021.