Avec Motel Destino, Karim Aïnouz fait son grand retour après Le Jeu de la Reine, en nous offrant un film ancré dans sa terre natale, le Brésil. On y suit Heraldo, traqué par une puissante famille mafieuse brésilienne à laquelle il est redevable. En quête d’oubli et de fonds pour fuir vers la capitale, il trouve refuge au Motel Destino, tenu par le couple Elias et Dayana. Une dynamique singulière se crée alors entre les trois personnages, sans toutefois former un triangle amoureux traditionnel. Heraldo et Dayana tombent amoureux, tandis qu’Elias, aveugle à cette liaison, adopte des comportements de plus en plus abusifs envers sa femme. Dayana avoue même à un moment vouloir quitter Elias, ayant déjà tenté sans succès, car il l’avait retrouvée et ramenée à l’hôtel comme si de rien n’était. Ce motel particulier est un lieu où les clients viennent essentiellement pour faire l’amour, et Elias prend un plaisir malsain à les observer à travers une ouverture. Le nouveau film de Karim Aïnouz met l’accent sur la sexualité et la sauvagerie du sexe. Cette brutalité se reflète dans la photographie du film, saturée de couleurs vives et chaudes. Le rouge éclatant et la verdure luxuriante confèrent une atmosphère intense et moite, renforcée par le grain et la sueur de la caméra en pellicule. Tout comme dans Le Jeu de la Reine, les cadrages sont soignés, évoquant parfois les œuvres de Gregg Araki, mais avec moins de subtilité et d’inclusion LGBT. En effet, malgré de bonnes intentions, le point de vue du film reste très masculin.
Elias, interprété par Fábio Assunção, sorte de Jeremstar brésilien, émerge comme le personnage le plus charismatique, alors qu’Iago Xavier, qui incarne Heraldo, semble étrangement hors de propos, ses regards ne communiquant rien là où ses mots en exigeraient davantage. Ce charisme d’Elias, bien que reposant plus sur sa prestance que sur la profondeur de son rôle, éclipse malheureusement le fond de l’histoire que le réalisateur semble oublier. En dépit de rappels fréquents de la fuite de Heraldo, l’intrigue principale se perd dans une succession de scènes de sexe filmées du point de vue masculin, telle cette pénétration dans la première scène où Heraldo couche avec une inconnue qui l’abandonne et l’enferme dans la chambre. Cette sauvagerie, que le réalisateur assume pleinement, est illustrée dès le premier acte par une scène où un âne monte une ânesse qui le rejette et le frappe après l’orgasme. Cependant, cette obsession pour le sexe et la sensualité détourne l’attention de la véritable histoire : la fuite de Heraldo de la mafia. Bien que souvent rappelée, cette trame principale n’est jamais véritablement explorée à l’écran. Les personnages ne cessent de rappeler leur but initial, mais les spectateurs, perdus dans ces digressions, en viennent à oublier que le protagoniste est traqué de toutes parts. Tout ce que l’on voit devient alors futile, ne servant qu’à exposer une atmosphère et des alchimies sans faire avancer l’intrigue. Le rythme en pâtit, rendant les deux heures du film interminables. Dans cette confusion narrative, ce que l’on retient principalement de Motel Destino, c’est l’atmosphère moite et suffocante des images. C’est une déception, une véritable clim.
Motel Destino de Karim Aïnouz, 1h55, avec Fábio Assunção, Nataly Rocha, Iago Xavier – Prochainement au cinéma.