Kidnapping Inc. est le premier long-métrage de Bruno Mourral, et le moins que l’on puisse dire, c’est que sa production a été rocambolesque. Le tournage, entamé en 2021, a subi plusieurs interruptions, notamment en raison de la crise politique et sociale en Haïti, et de l’insécurité ambiante. Des membres de l’équipe technique ont même été kidnappés en plein tournage, et deux d’entre eux ont tragiquement été assassinés peu après la fin des prises de vues. Malgré ces conditions extrêmes, surtout pour un premier long métrage, les épreuves traversées ne transparaissent pas à l’écran.
Le long-métrage nous embarque aux côtés d’un duo de kidnappeurs maladroits, qui évoquent une version haïtienne de personnages sortis d’un film des frères Coen ou de Pulp Fiction. Le cinéaste multiplie les effets de style pour capter l’énergie chaotique des rues de Port-au-Prince. Le portrait de la société haïtienne qu’il dresse est loin d’être flatteur, marqué par l’insécurité et la corruption omniprésentes. Pourtant, le ton humoristique évite de sombrer dans une dénonciation pesante. Les situations ubuesques s’enchaînent, compliquant la tâche des deux malfrats, surtout lorsqu’ils croisent la route de Laura, une femme enceinte au caractère bien trempé, qui n’hésite pas à leur tenir tête. Ce personnage secondaire finit d’ailleurs par voler la vedette aux deux protagonistes. C’est un cocktail détonant, mélangeant habilement les genres, passant du suspense à l’humour absurde. À la fois comédie dramatique réjouissante et portrait politique sans concession, il capte un pays au bord de l’implosion sociale.
Kidnapping Inc. de Bruno Mourral, 1h45, avec Jasmuel Andri, Rolaphton Mercure, Anabel Lopez – Prochainement en salle.
