Depuis quelques années, le désir d’un renouveau du septième art est palpable, notamment avec l’essor de films comme Grave de Julia Ducournau. Les propositions fantastiques, particulièrement dans le cinéma de genre français, envahissent nos écrans. C’est dans ce contexte que s’inscrit Animale d’Emma Besnestan (après son sublime Fragile), présenté comme un western dramatique fantastique. On y suit Nejma, incarnée par Oulaya Amamra, qui rêve de triompher dans une course de taureaux en Camargue. Cependant, une nuit, elle disparaît dans un champ et se réveille le lendemain, amnésique de ce qui s’est passé. Commence alors une métamorphose étrange où Nejma semble se transformer en taureau. À partir de ce point, on observe des parallèles avec d’autres œuvres de transformation animale, comme Teddy des frères Boukherma, La Règne Animal, ou même des classiques comme Teen Wolf et La Mouche de Cronenberg. Le processus de mutation suit un schéma familier : des changements subtils, comme des dents qui poussent et des poils qui apparaissent, culminant en une transformation complète. Cependant, Besnestan tente de maintenir le suspense avec des scènes sombres et tendues, mais ces efforts n’atteignent jamais pleinement leur potentiel. Les spectateurs novices seront intrigués, mais les amateurs du genre pourraient trouver cela redondant.
La cinéaste utilise la métaphore du taureau, abusé par les hommes pour le divertissement, pour représenter la condition des femmes dans un milieu machiste. La Camargue, telle qu’elle est représentée, est un monde où les hommes ne croient pas au potentiel des femmes. Cela est non seulement dit, mais répété à plusieurs reprises. Nejma est la première femme à concourir dans l’arène. Lorsqu’elle souhaite accompagner les hommes en soirée, elle est repoussée avec la consigne de se reposer, car ce n’est pas pour elle. Même lorsqu’elle réalise une action ambitieuse dans l’arène, l’un de ses confrères ne peut s’empêcher de lui dire que « c’était pas mal pour une fille ». Bref, le patriarcat est omniprésent. Cette métaphore, bien que pertinente, peut donner au film une impression de déjà-vu malgré la qualité de la photographie de Ruben Impens, lequel a déjà travaillé sur Grave et Titane, et apporte ici son expertise en capturant des paysages époustouflants, rappelant son travail sur Nevada et Les Huit Montagnes. Malheureusement, l’allégorie tombe dans une dimension plus risquée qui brise la subtilité du récit. Ce qui s’est effacé durant ce fameux black-out, c’est qu’elle a été violée. Un homme a abusé d’elle. Insister sur ce fait, c’est se tirer une balle dans le pied dans une œuvre qui ne prenait déjà pas assez le taureau par les cornes. De plus, cette révélation arrive très tard dans le récit. En tant que spectateurs, nous avons eu le temps d’assimiler l’allégorie et de la dissocier de la critique anti-corrida et anti-maltraitance animale, qui, en principe, est tout aussi importante mais finit par passer au second plan. C’est dommage, car l’artisanat du film est impeccable, avec une musique qui maintient une tension palpable tout au long. Cependant, Animale finit par ressembler maladroitement à d’autres œuvres du même genre. La redite.
Animale de Emma Benestan, 1h40, avec Oulaya Amamra, Damien Rebattel, Vivian Rodriguez – Au cinéma le 8 novembre 2024