Voici mon retour d’après séance, rédigé suite à la projection de The Visitor à L’Étrange Festival. Si vous lisez ces lignes, un conseil : n’allez pas voir le film.
Ce long-métrage étrange, qui se veut provocateur, dérangeant, révolutionnaire et engagé, utilise le schéma narratif de Théorème de Pier Paolo Pasolini pour porter sa voix. Problème : Bruce LaBruce n’est pas Pasolini, et son long-métrage semble avant tout exister pour choquer, plutôt que pour dénoncer.
Mais de quoi parle The Visitor ? Eh bien, c’est exactement comme Théorème. Un homme débarque dans une famille de riches, les séduit, puis repart en laissant tout le monde bien “chokbar”. Et quand je dis “exactement comme Théorème“, ce n’est pas une exagération : on retrouve la même trame narrative, le même sujet. Certains plans sont des copiés-collés absurdes, comme le père de famille qui se retrouve nu (pas dans le désert cette fois, mais devant une cascade – wow, quel changement !), ou le serviteur (remplacé ici par un homme, contrairement à la servante du film italien) qui flotte dans les airs. Pourtant, si Théorème est un chef-d’œuvre, The Visitor est l’un des pires films qu’il m’ait été donné de voir. Parce que là où l’un est fascinant et bouleversant, l’autre sombre dans la bêtise et la vulgarité la plus crasse.
Se voulant brûlot politique, The Visitor est au contraire présomptueux et creux, voire complètement idiot par moments. Et c’est sans parler des scènes absurdes, comme celle où un personnage couche littéralement avec le mot “capitalisme”. Oui, vous avez bien lu. Mais le pire dans cette version pornographique de Théorème (oui, ce n’est toujours pas une exagération) est qu’elle est bourrée de contradictions. Par exemple, cet homme noir, présenté comme un extraterrestre, ne semble pas appartenir à ce monde – peut-être est-ce une perception de la famille ? Et le “bonheur” des relations homosexuelles ne serait-il pas entaché par leur caractère incestueux ? Mais ne nous perdons pas dans ce type de réflexion, c’est probablement trop demander. Ce qui importe vraiment, c’est d’oublier ce film le plus vite possible.
The Visitor n’a rien à dire de plus que Théorème, sorti il y a 56 ans. Il qui n’a aucune raison d’exister, et qui ne sert à rien. C’est triste pour une œuvre qui prétend porter un message.
Dernière note : ce film a été refusé par un festival queer, qui a jugé que le regard de ce réalisateur blanc sexagénaire sur un personnage racisé laissait à désirer (et on peut supposer que l’apologie de l’inceste n’a pas aidé non plus).
The Visitor de Bruce LaBruce, 1h41, avec Bishop Black, Macklin Kowal, Amy Kingsmill – Prochainement en salle
-
Alexeï Paire1/10 Terriblement mauvais1 c'est la note minimale sur le site, mais ça vaut beaucoup moins, bien évidemment.