Premier film au cinéma de Scott Derrickson, depuis Doctor Strange en 2016, et son départ de la production du deuxième volet. Il revient à ce qui a fait son succès, notamment avec Sinister : le film d’horreur. Ici on suit l’histoire d’un jeune garçon qui va se faire enlever et séquestrer par un homme masqué (incarné par Ethan Hawke, déjà son acteur principal dans Sinister). Pendant sa captivité, il entendra les voix d’outre-tombe des précédentes victimes à travers un mystérieux téléphone, qui tenteront de l’aider à s’échapper…
Autant dire tout de suite que le cinéaste sait mettre en scène des moments de terreur, notamment à travers quelques scènes minimalistes, voire subliminales avec le montage. L’ambiance rétro fonctionne sans tomber dans le pastiche gratuit, et l’on remarque aussi le jeune casting, qui apporte une sacrée énergie et un talent indéniable. Mention spéciale à Madeleine McGraw.
Le problème provient surtout de l’antagoniste. Si son look est plutôt inquiétant, et qu’Ethan Hawke semble s’amuser à jouer le psychopathe, on ne peut que regretter le fait de ne pas le développer davantage. Comprendre ses motivations, ou leur absence, aurait été plutôt bénéfique à sa caractérisation. Mais ce qui est vraiment dommageable, c’est qu’il ne semble pas très intelligent, ou alors c’est le scénario qui le rend bête sans le vouloir. Tout cela crée d’assez grosses incohérences mettant à mal la suspension consentie d’incrédulité.
En effet, il laisse beaucoup trop de temps au garçon enfermé dans sa cellule pour faire ce qu’il veut, sans jamais le surveiller de quelconque manière. Pire, on se rend compte que certains barreaux de fenêtre ont été remplacés (en arrière plan, on ne s’attarde pas dessus), ce qui devrait l’alerter sur le désir d’évasion de l’enfant, et sa capacité à détruire des éléments de sa cellule. Malgré cela, la surveillance reste extrêmement laxiste. À tel point que le gamin aurait sûrement eu le temps de creuser un tunnel jusqu’en Argentine sans que le tueur ne s’en rende compte…
Le côté surnaturel du film est plutôt intéressant, pas trop mal exploité, mais fonctionne seulement via d’énormes facilités dues à la bêtise du ravisseur. En somme, le scénario reste trop maladroit et incohérent pour tenir debout, mais la force du casting et quelques pistes thématiques en font un petit film de genre pas dénué d’intérêt.
Black Phone de Scott Derrickson, 1h43, avec Mason Thames, Madeleine McGraw, Ethan Hawke – Au cinéma le 22 juin 2022