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[CRITIQUE] Maigret – Quand une légende rencontre un mythe

Créé par Georges Simenon, le commissaire Maigret est un personnage culte de la littérature française. Avec plus d’une centaine d’apparitions dans des romans ou des nouvelles il a fini par intéresser le septième art. De grands acteurs comme Pierre Renoir, Harry Baur et Jean Gabin l’ont ainsi incarné. Chacun en apportant sa petite touche au commissaire. Alors lorsqu’on apprend en 2019 que Patrice Leconte, le réalisateur des Bronzés un grand succès français, va mettre en scène une adaptation de Maigret et la jeune morte avec Gérard Depardieu dans le rôle du plus culte des commissaires on ne pouvait qu’être intrigué.  

Cette idée d’observer Depardieu incarner le rôle de Maigret c’est celle qui porte tout le film. C’est d’ailleurs pour cela que l’adaptation s’intitule simplement Maigret. Elle se concentre sur le personnage pour laisser de la place à Depardieu (non ce n’est pas un mauvais jeu de mots). Maigret est un film sobre (contrairement à Depardieu), et c’est fascinant d’observer l’acteur s’emparer d’un rôle culte dans une œuvre où il a toute la place pour le faire à sa guise. Entendre sa voix grave, observer sa « gueule d’acteur » qui scrute les témoins et sa silhouette qui s’éloigne dans les ruelles parisiennes. Tout cela est un pur plaisir de cinéma. Depardieu réussit à donner corps au personnage, à le rendre plus humain et donc plus intéressant. Il donne du concret au mythe pendant une heure et demie, une fois son travail accompli il laisse à nouveau cette silhouette irréelle se dissoudre dans Paris.

Alfred Hitchcock

Vous l’auriez compris avec le titre du film, Maigret a décidé d’évacuer l’enquête de la jeune morte. Elle n’est jamais passionnante et elle ne dit finalement que peu de choses sur la société parisienne de l’époque. Même cette enquête ne semble être présente que pour révéler les tourments du commissaire. Le fait d’observer Maigret réunir chaque petite miette d’indice est intriguant, mais puisque l’on sait d’avance qui est le coupable, on ne se retrouve jamais impliqué dans cette enquête. Formellement le film a également quelques petits défauts, tout d’abord sa lumière, qui semble toujours irréelle. Très souvent bien trop présente elle inonde les scènes et donne une impression de flottant constant. En contradiction avec l’idée de rendre humain Maigret, cette lumière essaye au contraire de l’iconiser. La réalisation très plate de Leconte ne vient pas relever le niveau, mais ce n’est pas gênant pour autant. Elle est figurative, donnant à Maigret un aspect figé, mais qui correspond plutôt bien à l’univers froid d’une enquête pour meurtre. Le montage du film me dérangeait pendant le visionnage car lui aussi est également abrupt et froid, mais plus le temps passe plus je le trouve au contraire en accord avec le reste de l’œuvre.  

Voir plus loin que le bout de son nez.

Maigret n’est pas un visionnage désagréable, on passe même un bon moment grâce aux excellents dialogues. Souvent stimulant, ces derniers sont également très drôles. Un élément de plus qui vient renforcer l’humanisation de Maigret. Le commissaire délaisse ses aspects les plus mythiques, comme sa célèbre pipe qu’il abandonne lors des premières scènes du film, pour au contraire en gagner d’autres bien plus touchant, comme tout son background en rapport avec sa fille décédée. Le film n’en fait jamais trop à ce sujet-là, et c’est notamment dans quelques détails qu’il est le plus touchant, que ce soit une phrase échangée au cimetière ou un regard lancé vers une chambre inoccupée. Le deuil vient fragiliser la figure de Maigret et de Depardieu. Deux grandes figures artistiques qui se retrouvent mises a nues dés lors qu’ils doivent faire face à des sentiments. 

Maigret n’est pas le meilleur thriller de l’année, mais il reste une séance de cinéma plaisante, que je vous invite à aller voir rien que pour ses dialogues élégants et souvent drôles. Si vous êtes fan de l’œuvre de Simenon sachez que le film est validé par sa fondation et qu’il intègre quelques éléments en rapport avec d’autres aventures du commissaire. Une sorte de fan-service. Mais ici ne vous attendez pas à voir une scène post-générique venant rejoindre le Hercule-Poirot Universe.

Note : 3 sur 5.

Maigret au cinéma le 23 février.

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