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[CRITIQUE] Wolfs / Killer Heat – Sous le Soleil des Plateformes

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Par Louan Nivesse

Il y a dans l’art de créer des films un subtil équilibre entre l’espoir et la trahison. Espoir, car chaque nouvelle sortie promet un voyage inédit, une exploration d’émotions et d’idées. Trahison, car trop souvent, ces attentes sont piétinées par la lourdeur de l’indifférence ou la banalité du convenu. Ainsi se rencontrent Wolfs (Apple TV+) et Killer Heat (Prime Video), deux créations issues de plateformes titanesques, deux œuvres en quête d’audience, mais qui s’effondrent sous le poids de leurs ambitions vacillantes. Si les écrans d’aujourd’hui semblent inondés de contenus, il arrive pourtant que l’on se retrouve face à une mer d’insignifiance, où ni la brillance des étoiles à l’affiche, ni la promesse d’un décor exotique ne parviennent à sauver ces films de la noyade de l’oubli.

Wolfs ou l’art de l’amitié diluée

Il y a quelque chose de fascinant dans l’idée de reposer un film entier sur le charisme de ses acteurs, et Wolfs embrasse pleinement cette logique. George Clooney et Brad Pitt, en duo mythique qui avait déjà fait ses preuves dans la trilogie Ocean’s, sont ici les piliers d’une intrigue aussi maigre qu’un fil d’Ariane qui s’effiloche à chaque tournant. Et c’est là que la trahison commence. Jon Watts, débarrassé des contraintes de l’univers Marvel, semble croire que la simple présence de ces deux titans du cinéma suffira à transcender un script plat et une intrigue bancale. Le long-métrage démarre sur une situation presque trop parfaite : une politicienne en détresse, un cadavre embarrassant, et Clooney, le “fixeur” mystérieux qui se veut l’homme de la situation. À ce stade, tout semble prometteur. Nous sommes invités à plonger dans une nuit d’action effrénée, où des dialogues acérés et une tension palpable devraient régner. Mais très vite, tout cela s’évanouit, comme un café trop dilué, où même la machine à Nespresso ne pourrait sauver l’arôme perdu. Amy Ryan, brillante dans les premières minutes, disparaît presque instantanément, laissant le film reposer sur les épaules de Clooney et Pitt, qui ne font que jouer à celui qui grince le plus des dents.

Copyright Apple TV+

Wolfs devient alors un exercice de style, une parade de clins d’œil entre deux vieux amis qui n’ont rien de neuf à se dire, et qui nous enferment, nous spectateurs, dans un rôle de voyeur maladroit. La rivalité entre les deux personnages, censée être l’épine dorsale de l’intrigue, s’effondre dans un océan de banalités, laissant un goût amer. On a l’impression d’assister à un sketch interminable, où deux acteurs s’amusent dans leur bulle, indifférents à l’absence totale d’enjeu dramatique. Tout semble calibré pour flatter l’ego des protagonistes, mais rien ne nous touche réellement. C’est un film de potes sans âme, une œuvre où même ses stars, autrefois si éclatantes, semblent s’ennuyer. Le spectateur devient l’intrus dans cette fête privée, où l’on rit des mêmes blagues éculées sur l’âge, les douleurs lombaires et les lunettes de vue. Une complicité qui finit par se transformer en indifférence, comme un vieux disque rayé dont on connaît déjà les failles. La bande-annonce était peut-être plus divertissante que le film lui-même (elle était déjà bien ennuyeuse).

Killer Heat : un faux soleil sous les tropiques

D’un autre côté, Killer Heat tente de capitaliser sur l’exotisme de l’île de Crète et les codes du film noir, mais sombre rapidement dans la torpeur d’un thriller usé jusqu’à la corde. Adapté d’une nouvelle de Jo Nesbø, il réunit pourtant une distribution prometteuse : Joseph Gordon-Levitt, Richard Madden, et Shailene Woodley. Mais comme dans un mirage sous le soleil grec, la promesse d’un drame haletant s’évanouit dès les premières minutes. Le décor est posé : un détective privé, hanté par son passé, arrive sur une île paradisiaque pour enquêter sur la mort suspecte d’un magnat du transport. Ce dernier a un frère jumeau, ce qui devrait ajouter une dose de mystère à l’affaire. Pourtant, au lieu d’une enquête palpitante, nous assistons à une série de clichés narratifs aussi prévisibles qu’un coucher de soleil sur la mer Égée. Chaque rebondissement est télégraphié, chaque dialogue résonne comme une rengaine déjà entendue. Les flashbacks, censés approfondir le personnage de Gordon-Levitt, ne font que souligner l’absence d’originalité de son rôle.

Copyright Amazon Prime Vidéo

La voix-off, véritable outil du film noir, devient ici un fardeau, un poids qui alourdit une intrigue déjà terriblement languissante. Loin de nous plonger dans une atmosphère pesante, elle nous rappelle sans cesse que nous sommes face à un énième pastiche de films noirs, sans la moindre touche de fraîcheur. On devine tout avant même que l’enquête ne commence vraiment, et les révélations finales, censées être des coups de théâtre, n’ont que la saveur tiède d’une conclusion attendue. Même l’alchimie entre les acteurs n’opère jamais. Gordon-Levitt, autrefois si captivant dans des rôles similaires (Brick, par exemple), semble ici totalement déconnecté de son personnage. Shailene Woodley, malgré ses efforts, ne parvient pas à incarner une femme fatale crédible. Quant à Richard Madden, il joue ses deux rôles de jumeaux avec une rigidité qui ne fait que souligner l’inertie du scénario.

Deux œuvres, une même vacuité

En fin de compte, Wolfs et Killer Heat ne sont que deux faces d’une même médaille ternie par l’ennui. D’un côté, une comédie d’action qui confond charisme et paresse, de l’autre un thriller qui se perd dans le labyrinthe des tropes éculés. Ces films, bien qu’adossés à des noms prestigieux, illustrent parfaitement la tendance de certaines productions actuelles à se reposer sur des formules éculées, en misant sur la seule présence de visages familiers pour que la magie opère. L’objectif ? Se hisser dans le TOP 10 de la semaine. Les chiffres, toujours les chiffres.

Ce qui est le plus désolant, c’est cette sensation de vide, ce sentiment que ni Wolfs ni Killer Heat n’ont vraiment quelque chose à dire. Ce sont des téléfilms déguisés en blockbusters, des œuvres qui exploitent des genres éprouvés sans jamais en renouveler les codes. Peut-être que dans ce flot continu de contenu, l’essentiel n’est plus de raconter une histoire, mais simplement d’occuper l’espace. Comme deux mirages dans un désert de pixels, ils nous laissent assoiffés d’émotion, perdus dans la chaleur d’un soleil artificiel. Et alors que le générique défile, un étrange silence s’installe, une absence de souvenirs, comme un rêve trop rapidement effacé au réveil. Ni l’un, ni l’autre n’aura réussi à laisser une empreinte, sinon celle de l’oubli.

Wolfs de Jon Watts, 1h48, avec Brad Pitt, George Clooney, Amy Ryan – Sur Apple TV+ du 27 septembre 2024

Killer Heat de Philippe Lacôte, 1h35, avec Joseph Gordon-Levitt, Shailene Woodley, Richard Madden – Sur Amazon Prime Vidéo le 26 septembre 2024

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