Le cinéaste turc Can Evrenol, connu pour ses films d’horreur, s’aventure ici dans le registre de la vengeance féminine, flirtant avec le sous-genre « rape and revenge ». L’histoire suit Sayara, femme de ménage dans une salle de sport. Lorsque sa sœur, Yonca, est violée et battue à mort par des amis du gérant avec qui elle entretenait une liaison, Sayara décide de la venger en s’appuyant sur le Sambo, un art martial enseigné par leur père au Turkménistan. Ce type de récit peut facilement devenir problématique si le regard porté sur les femmes manque de justesse et de distance. Si, dans un premier temps, on craint que qu’il ne bascule lors de la séquence extrêmement violente qui précède la mort de Yonca, cela réside principalement dans les regards libidineux de ces hommes abjects. Cependant, le cinéaste évite toute complaisance, préférant des plans furtifs et l’utilisation du hors-champ et du son pour renforcer l’horreur. En contraste, les scènes où Sayara passe à l’attaque sont marquées par une brutalité frontale : les corps, les os, et la chair sont montrés sans détour.
Ce film-choc dénonce l’impunité des hommes coupables de féminicides, protégés par un système politique gangrené. Envahie par la rage et le désespoir, Sayara se déchaîne, allant jusqu’à massacrer des innocents se dressant sur son chemin. Bien que le long-métrage aurait pu bénéficier d’une caractérisation plus approfondie de Sayara et de sa famille, et qu’il n’échappe pas à certains clichés, la détermination du metteur en scène à offrir un spectacle brutal, poisseux, et déstabilisant nous secoue intensément. Malgré la violence graphique poussée à l’extrême, testant nos limites de spectateurs, il reste indéniablement cathartique et jubilatoire de voir cette toxicité masculine patriarcale anéantie.
Sayara de Can Evrenol, 1h38, avec Emre Kızılırmak, Duygu Kocabıyık, Özgül Koşar – Prochainement en salle