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[CRITIQUE] Beetlejuice Beetlejuice – Revenu d’entre les vivants

Le fait que Beetlejuice Beetlejuice voit le jour après une décennie de longs-métrages prosaïques – le dernier traversé par un minimum d’espièglerie remonte à 2012, date du remake Frankenweenie – fait forcément passer celui-ci pour une tentative de résurrection désespérée, un réflexe de survie drôlement méta au vu des thématiques du film, mais il n’en est (presque) rien : le film original était à peine dans les salles que Tim Burton toquait déjà à la porte de ses copains scénaristes pour fignoler une suite. Il était alors au sommet. Le hasard du calendrier (ou de la production américaine) a fait que ce Beetlejuice 2 se concrétise au moment où sa carrière de réalisateur racle le fond des abysses hollywoodiennes, après avoir vendu son âme à Disney et Netflix pour des adaptations en live-action, des épisodes de séries télévisées, et le cachet qui va avec. Le dernier segment de son Dumbo, déroulé dans le parc d’attractions d’un magnat du divertissement (toute ressemblance étant évidemment fortuite), était néanmoins de bon augure : Burton piratait le système de l’intérieur avec sa malice de sale gosse, preuve que son esprit facétieux n’était pas totalement enterré sous sa tignasse hirsute. C’est bien ce Burton-là qui est à l’œuvre dans Beetlejuice Beetlejuice : méchamment créatif, moqueur, grossier, remonté contre les monstres capitalistes. À croire qu’il attendait simplement de pousser à nouveau les portes de l’Après-vie pour se retrouver.

Copyright 2024 Warner Bros. Entertainment Inc.

Familiarisé avec l’exercice de la suite, Burton expérimente ici le legacyquel en embrassant le temps écoulé depuis le premier volet. En trente ans, les gens changent : Lydia Deetz, toujours interprétée par Winona Ryder, est désormais une mère et vedette du petit écran, utilisant ses pouvoirs surnaturels pour faire frissonner le grand public sous la supervision de son producteur (et compagnon), avide de billets verts. L’allusion n’est pas difficile à saisir. Le cinéaste ne va pas plus loin en termes de figuration psychanalytique, sans doute trop empressé d’ouvrir les vannes de la comédie macabre, mais cette touche de lucidité est du meilleur effet (« faute avouée… »), d’autant qu’elle précède la vague de fan-service typique de ces suites tardives. Burton ne fait pas dans la demi-mesure, alternant entre citations littérales, réinventions légères et modernisation du décorum, s’appuie sur la célérité de l’ensemble pour rassasier les fans de la première heure. De l’original, Beetlejuice Beetlejuice hérite de la structure foutraque, de l’amour pour la fulgurance baroque, de la chimie hautement récréative et du profond désintérêt pour toute forme de cohérence. L’excuse de la fidélité à l’œuvre-mère lui permet de glisser des références à Mario Bava, de revenir à l’animation en stop-motion et de faire danser sa caméra sur un morceau disco, tout cela dans un seul long-métrage.

Copyright 2024 Warner Bros. Entertainment Inc.

Cependant, le retour d’un « Burton à l’ancienne », aussi vivifiant soit-il, n’est pas sans déconvenues. Comme à l’époque de Pee-Wee Big Adventure ou du premier Beetlejuice, le réalisateur s’intéresse davantage à l’accumulation d’intrigues (et sous-intrigues) qu’à leur traitement. Les plus encombrantes passent à la trappe (au sens propre) ou se concluent par un tour de passe-passe foireux. Les personnages en pâtissent, et beaucoup d’entre eux sombrent dans des clichés nauséabonds : l’adolescente en marge (Jenna Ortega ne sort plus de son rôle de Mercredi Addams), la grand-mère excentrique, le petit ami ténébreux, l’ex-femme en colère, tout y est. Néanmoins, ce second volet n’hésite pas à bousculer son petit monde, évitant ainsi le piège d’une trop grande vénération dans lequel tombent souvent ces resucées des classiques eighties. Suffisant pour se distinguer au milieu des bombes à nostalgie. Et si les séquences de danse forcées ou les courses-poursuites avec les vers des sables – qui font naître le fantasme de voir Burton se pencher sur l’adaptation de Dune – montrent un réalisateur prenant plaisir à malmener ses marionnettes, c’est lorsqu’il s’attaque aux relations toxiques, aux pervers narcissiques et autres démons experts en possession qu’il est le plus piquant. Leur mort ? Il n’y songe même pas : elle serait bien trop agréable pour eux.

Beetlejuice Beetlejuice de Tim Burton, 1h44, avec Michael Keaton, Winona Ryder, Jenna Ortega – Au cinéma le 11 septembre 2024.

6/10
Total Score
  • JACK
    6/10 Satisfaisant
    Heureux de retrouver ses vieux copains, Tim Burton réalise une suite méchante et récréative, et récupère au passage un bout de son âme : Beetlejuice Beetlejuice sonne donc comme la (petite) résurrection d'un cinéaste trop longtemps disparu, un bonbon nostalgique et acidulé.
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