Jungleland est, à un certain niveau, un film de boxe, mais il ne possède presque aucun stéréotype du genre. Il n’y a pas de montage d’entraînement inspirant. Il n’y a ni paillettes ni glamour. Il y a, en toute honnêteté, très peu de combats. Il s’agit de deux frères, Stanley (Charlie Hunnam) et Lion (Jack O’Connell), qui s’accroupissent dans des bâtiments abandonnés et dérivent anonymement dans la vie. Ils combattent principalement leurs circonstances, les uns contre les autres et eux-mêmes.
Synopsis :Un boxeur et son frère traversent les États-Unis pour se rendre au dernier combat du premier. Mais une compagne de voyage inattendue va exposer les failles de leur relation tout au long du chemin.
Bien que Bruce Springsteen porte une grande partie d’une séquence finale émouvante, la chanson titulaire n’est entendue à aucun moment avant, une décision créative qui aurait probablement été trop bourrative pour le réalisateur Max Winkler, qui tisse au contraire une route plus patiente et inscrutable à travers une Amérique précaire. Film agréablement étrange, Jungleland se contente de laisser parler tranquillement les images composées de manière évocatrice. Nous obtenons des extraits de l’histoire à la fois de Stanley, un manager autoproclamé mais aussi un escroc vieillissant dont le charisme commence à ressembler au désespoir, et Lion, un bagarreur taciturne obligé de concourir dans un circuit de boxe souterrain parce que les manigances de son frère l’ont exclu de la discipline institutionnalisée.
Ce ne serait peut-être pas un spoiler d’entrer dans les détails, car une romance naissante entre Lion et Sky d’âge similaire et la rupture progressive se formant entre les frères sont fondamentalement classiques dans le genre. Cependant, je m’abstiendrai tout de même de faire ça, d’autant plus que Jungleland prend pas mal de virages inattendus dans un dernier acte maniaque qui abandonne la mélancolie sinueuse et lente des parties précédentes en offrant un développement meurtrier haletant jusqu’à son dernier plan. La récompense vaut le voyage, mais il faut quelques bosses sur la route pour y arriver.
Mais les bosses font partie du point fort. Aussi longtemps que le film reste en grande partie sans but, il donne aux trois personnages une occasion de se développer, ce qui commence comme archétypes, se transforme progressivement en personnages multi-couches. Hunnam réalise le meilleur travail de sa carrière, et O’Connell offre une routine désormais bien connue en tant que jeune homme authentiquement coriace et endommagé, avec un jeu qui scintille bien que caché juste sous la surface. Mais c’est Barden, vu plus récemment dans la deuxième saison de The End of the ****Ing World, qui vient de faire ses débuts sur Netflix, qui anime vraiment le récit avec un personnage fascinant et difficile comme Sky. On peut aussi notifier la faible présence du charismatique Jonathan Majors vu récemment dans la série Lovecraft Country.
Max Winkler signe avec Jungleland un road-trip sportif particulièrement bien pensé. Grâce à ses acteurs et la profondeur de ses personnages, toutes les faiblesses de son scénario parviennent à être effacées. L’ambiance esthétique donne le ton, un rythme juste et remarquablement linéaire sur les deux premiers actes pour arriver à un climax des plus sincères et efficaces. Au plus proche des personnages et avec une réalisation intimiste, Winkler signe un grand film du genre : un doux voyage dans un pays inégal.