Zhang Yimou, l’un des plus illustres cinéastes chinois, fait son grand retour en France, plus de huit ans après La Grande Muraille, ce blockbuster sino-américain mettant en vedette Matt Damon. Full River Red, son triomphe en Chine, nous parvient cet été grâce à Carlotta Films. Dans ce long métrage de près de 2h40, nous sommes transportés au cœur de la dynastie Song, au sein du palais du chancelier Qin Hui, théâtre d’un meurtre mystérieux impliquant un diplomate venu pour une réunion cruciale. Le caporal Zhang Da se voit confier la mission de démasquer les coupables et de retrouver une lettre destinée à l’Empereur avant l’aube. Le déroulement de cette intrigue policière rappelle fortement les récits à tiroirs de Gu Long, adaptés par Chor Yuen à l’époque du studio Shaw Brothers. Cependant, ces films aux histoires touffues, multipliant les twists, nous offraient des respirations bienvenues à coups d’épées ou de pauses dans de sublimes décors. Ici, le cinéaste nous propulse dans un rythme effréné, avec de nombreux dialogues, et très peu d’action. Délaisser les lames ou les chorégraphies martiales qui ont fait le succès de ses films en costumes d’époque n’est pas nécessairement une tare, mais on était en droit d’en attendre plus du cinéaste.
En effet, Zhang Yimou s’impose également comme l’un des plus grands esthètes d’Asie du Sud-Est, maîtrisant l’art des couleurs avec une virtuosité inégalée. Ses films de chevalerie, tels que Hero, ou encore le récent Shadow, en sont des témoignages éloquents. Dans ce dernier, il sublime les nuances de noir et de gris, créant des tableaux cinématographiques d’une beauté envoûtante. Ici, dans ce palais à l’architecture extrêmement similaire à celui d’Épouses et Concubines, il ne parvient jamais à retrouver l’inspiration esthétique brillante de son chef-d’œuvre, ni une certaine forme de poésie visuelle qui aurait pu faire passer certaines idées autrement que par les dialogues. Certes, le texte est important pour le déroulement de l’intrigue, ainsi que pour le tempo comique, mais plus d’inspiration visuelle n’aurait pas été de trop. Malgré la densité du récit, qui peut s’avérer éprouvante pour tout spectateur peu concentré ou peu familier des intrigues de palais touffues, les (trop?) nombreux rebondissements permettent de dynamiser le rythme et de basculer dans un ton burlesque assez divertissant, ponctué régulièrement d’une musique électro anachronique. Il en résulte un film finissant par verser dans un nationalisme gênant (le scénario est inspiré d’un poème patriotique), mais dont la surenchère dramatique s’avère relativement amusante. On regrette cependant que, si le film est impeccablement cadré, le travail de mise en scène et de recherche esthétique ne soit pas digne de son cinéaste, et aurait parfaitement pu être signé par un bon artisan sans renommée particulière.
Full RIver Red de Zhang Yimou, 2h37, avec Shen Teng, Jackson Yee, Lei Jiayin – Au cinéma le 31 juillet 2024