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[CRITIQUE] The Hyperboreans – Chili con Nazis

Cristóbal León et Joaquín Cociña avaient fait sensation avec La Casa Lobo en 2018, en remportant divers prix notamment à Annecy. S’il a fallu attendre 6 ans pour un nouveau long-métrage, les deux réalisateurs chiliens n’ont pas pour autant chômé. Quelques court-métrages créés dans ce laps de temps mais surtout une participation remarquée sur le film Beau is Afraid d’Ari Aster. Eh oui, ce sont eux les animateurs du passage en animation du film. León et Cociña se sont donc fait une certaine place dans le monde du cinéma dont le travail a été salué par beaucoup.

Si La Casa Lobo était entièrement en stop-motion, The Hyperboreans, est lui un mélange de styles d’animation et se permet d’explorer plusieurs thèmes chers aux deux réalisateurs. Marionnettes, dessins, ou prises de vue réelles parsèment un récit flou, traitant tant de l’histoire du Chili que de la vie de l’écrivain Miguel Serrano.

Copyright Quinzaine des Cinéastes

Avant de devenir un film, The Hyperboreans était le nom d’une exposition que les réalisateurs ont tenu à Santiago. Le projet a muté et s’est mué en un film dense, véritable expérimentation technique et narrative. Le film se veut unique, envoûtant et une plongée dans un imaginaire riche d’innovations. L’attraie des réalisateurs pour le fantastique est renforcé par le titre même du long-métrage mentionnant les Hyperboréens, peuple mythique qui auraient vécu aux confins du monde Antique au-delà de Borée, le vent du nord. Seulement le terme d’hyperboréen n’est pas resté immuable dans notre histoire. Le peuple a notamment été mentionné par les nazis qui voyaient dans ces hommes du grand nord une potentielle origine au surhomme aryen qui était censé peupler l’Allemagne. Derrière ses nombreuses facettes, la science-fiction ou le postulat de base autour de l’actrice Antonia Giesen, le film cherche, comme La Casa Lobo, à parler du nazisme chilien.

Les Hyperboréens sont donc ces nazis du Chili, plus particulièrement Miguel Serrano à qui le film donne une grande place. Écrivain chilien, il fut la figure majeure de l’ésotérisme nazi et a fait mention du peuple antique. Mais si ce dernier a une définition ésotérique dans les mots de Serrano on pourrait aussi le rapprocher de la situation des hauts fonctionnaires du Reich après la Seconde Guerre mondiale. Si les Hyperboréens venaient des confins nord de la Terre, les nazis ont dû s’exiler d’Europe et partirent cette fois dans les régions du sud de notre monde après leur défaite.

Copyright Quinzaine des Cinéastes

León et Cociña, en témoins de cette société chilienne marquée par l’exode nazie brouillent les pistes, cachent en premier lieu le but du film. Il faudra passer par plusieurs tableaux de différents genres pour dénicher ces nazis qui se cachent en Amérique du Sud. The Hyperboreans déborde d’idées et quand bien même le ton qu’il prend paraît comique et décalé, le drame n’est jamais loin.

Si Serrano et les idéologies nazies sont tournés en dérision, les réalisateurs n’oublient pas les épisodes d’horreur et de violences qui ont marqué le Chili. Peu souvent accompagnée d’humains de chair, Giesen évoluera à travers différents tableaux et partagera en majorité l’écran avec des marionnettes et autres personnages masqués. Les chars défilent autour des marionnettes qui ont les mains liées au sein du régime militaire instauré dans les années 1970. Les masques hantent le film, personne n’est à visage découvert, les petites gens ne possédant pas de liberté d’action et le pouvoir, masqué, ne montre jamais son véritable visage.

Derrière sa folie et ses expérimentations dirigées d’une main (de deux, vu qu’ils sont deux) de maître, The Hyperboreans est aussi le témoignage d’un Chili victime de la Seconde Guerre mondiale. Bien qu’il n’ait pas fait partie des belligérants, l’empreinte de l’idéologie nazie s’est gravée dans le pays et irrigua les tensions et les désordres qu’il connut dans la seconde moitié du XXe siècle. Expérimentation folle et réussie pour les deux réalisateurs.

The Hyperboreans de Cristóbal León et Joaquín Cociña, 1h02, avec Antonia Giesen, Francisco Visceral – Prochainement.

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