L’adaptation cinématographique d’un roman est un exercice périlleux, exigeant un équilibre délicat entre la fidélité à l’œuvre originale et la nécessité de laisser place à une nouvelle interprétation. Le cas du film Le Plongeur, dirigé par Francis Leclerc et adapté du roman éponyme de Stéphane Larue, se révèle être une prouesse. Il nous transporte dans l’histoire poignante de Stéphane, un jeune homme de 19 ans étudiant en graphisme à Montréal, pris au piège de l’addiction aux jeux de hasard. Cette adaptation brille par sa justesse, son casting impeccable, et sa maîtrise de l’ambiance sonore, tout en explorant des thèmes lourds avec une touche d’humour.
La magie réside dans l’attention aux détails. Le réalisateur a fait le choix judicieux de ne pas situer l’histoire dans une année précise, mais plutôt d’utiliser des marqueurs temporels subtils, tels qu’un billet de cinéma du film Le Seigneur des Anneaux – Les Deux Tours, pour immerger les spectateurs dans l’époque sans la figer. Cela permet une immersion totale dans l’univers chaotique de Stéphane. Les images, notamment le plan séquence d’ouverture, sont à couper le souffle, mais c’est dans l’ambiance sonore que réside la plus grande réussite de Francis Leclerc. La musique, allant de Iron Maiden à Neil Young et The Chemical Brothers, ainsi que les bruits et les silences, contribuent à créer une atmosphère immersive qui nous plonge tête première dans le tourbillon de l’histoire. La bande son est une véritable symphonie du métal, contribuant à la narration du film. Les morceaux servent de toile de fond émotionnelle, reflétant les états d’âme de Stéphane et accentuant les moments clés. La musique devient ainsi un personnage à part entière, renforçant l’immersion du spectateur dans l’univers du film.
Le long-métrage explore des thèmes lourds, en particulier celui de la dépendance aux jeux de hasard. Cependant, ce dernier parvient à équilibrer habilement la gravité de la situation avec un humour bienvenu. Le scénario d’Éric K. Boulianne, fidèle à l’œuvre de Stéphane Larue, livre un récit punché et intelligent, capturant les tourments de Stéphane tout en offrant des moments de franche hilarité. Le film dépeint avec finesse l’enchaînement des addictions, montrant comment l’arrêt d’une pratique peut entraîner la naissance d’une autre, créant ainsi un cycle infernal. Le casting est un véritable tour de force. Henri Picard incarne Stéphane de manière à la fois naïve, douce, et touchante, nous attachant instantanément à son personnage malgré ses défauts. Le choix d’acteurs peu connus au grand écran apporte une fraîcheur bienvenue, témoignant du talent émergent. Charles-Aubey Houde en Bébert, Joan Hart en Bonnie, et Maxime de Cotret en gangster aux mèches blondes, tous se fondent parfaitement dans leurs rôles, créant une palette de personnages mémorables.
Francis Leclerc, visiblement inspiré par des cinéastes tels que Martin Scorsese, Sidney Lumet, et Terry Gilliam, parvient à insuffler une énergie brute dans son œuvre. La réalisation, bien que pas particulièrement aventureuse, démontre une maîtrise du rythme et une capacité à faire s’écouler les deux heures du film à une vitesse vertigineuse. L’hommage à ces cinéastes se manifeste dans des scènes loufoques et des références subtiles, créant un dialogue entre Le Plongeur et le cinéma qui l’a inspiré.
Le Plongeur de Francis Leclerc, 2h07, avec Henri Richer-Picard, Charles-Aubey Houde, Joan Hart – Au cinéma le 3 janvier 2024.
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Louan Nivesse7/10 BienLe Plongeur de Francis Leclerc est une adaptation cinématographique réussie, alliant une narration puissante, un casting impeccable et une ambiance sonore envoûtante. Une plongée captivante dans l'univers des addictions.