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[CRITIQUE] Beau is Afraid – Cauchemar protubérant

Ari Aster, considéré comme un des nouveaux maîtres de l’horreur, grâce à ses deux premiers longs-métrages, Hérédité et Midsommar, revient cette fois avec Beau is Afraid, sorte de trip psychanalytique de 3 heures lorgnant du côté de la comédie absurde. Après Toni Collette, ou encore Florence Pugh, le cinéaste s’associe avec un autre acteur de prestige : Joaquin Phoenix. On y suivra les (més)aventures de Beau, un cinquantenaire tentant de rejoindre sa mère à des centaines de kilomètres de chez lui. Cependant, l’univers a décidé de lourdement lui compliquer la tâche.

Si ce film s’écarte assez largement du genre horrifique, il exploite tout de même des mécanismes de tension assez remarquables, surtout dans sa première partie. Dans cette première heure, Ari Aster développe une certaine atmosphère anxiogène, claustrophobique, où la peur de l’autre règne, dans une réalité décalée et cauchemardesque, allant flirter avec le cinéma de David Lynch, ou encore George Romero.

Seulement, à partir de son départ à la fin de cette première heure, le film s’enlise petit à petit dans un trip psychanalytique reposant sur l’éternel cliché de la mère Juive castratrice, sans réellement creuser au-delà de ce stéréotype. Même les dialogues avec sa mère par téléphone au début promettaient une relation complexe à travers des dialogues subtils, chose qu’il abandonne dans son final, censé être cathartique, au profit d’un texte et d’images parfois grossiers, et dénués d’intelligence. Cette rigueur d’écriture est pourtant une des qualités du travail d’Ari Aster dans ses précédents films, et jusqu’à la fin du premier tiers de Beau is Afraid.

© Takashi Seida

Dès  le départ, le personnage évolue dans un monde absurde et cauchemardesque, mais les enjeux du film restaient très concrets dans leur dimension psychologique. Cependant, à mesure que le film avance, ces enjeux se matérialisent de manière surréaliste, ce qui peut désamorcer toute implication émotionnelle que pouvait avoir le spectateur pour le récit jusque-là.

La singularité du film, et l’ambition visuelle du cinéaste est clairement à saluer, mais malheureusement le scénario ne bénéficie pas totalement du même soin. Ari Aster a déclaré que c’était comme son premier long-métrage, étant donné que cette idée lui est venue avant les autres, mais là est peut-être le problème. D’un point de vue narratif, on dirait parfois le premier film d’un cinéaste brillant, ayant du mal à conceptualiser toutes ses idées du mieux possible, et à faire le tri des plus pertinentes. Cela s’observe également dans le montage du film. 

En effet le film devait durer plus de 3h30, mais plus d’une demi-heure a été enlevée du montage final, et cela se ressent parfois, notamment au niveau des flashbacks. Ceux-ci ne s’intègrent pas très bien dans le récit, et ne proposent pas grand chose de vraiment intéressant dans l’exploration de la relation mère-fils, restant encore une fois dans des clichés vus et revus. Peut-être manque-t-il des scènes allant creuser davantage le sujet, mais en l’état c’est insuffisant, et le reste du film n’apporte pas grand chose non plus. Reste quelques fulgurances, notamment grâce à Denis Ménochet (cocorico), apportant une dose d’humour et de terreur absolument saisissante.

En résulte un film hybride, entre le thriller anxiogène et la comédie absurde, peinant à doser ses idées et à les exploiter finement, mais dont la première heure rappelle le talent brillant d’Ari Aster déployé dans Midsommar et Hérédité.

Beau is Afraid de Ari Aster, 2h59 avec Joaquin Phoenix, Nathan Lane, Amy Ryan – Au cinéma le 26 avril 2023.

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