L’amour fraternel est l’un des thèmes chers au réalisateur André Téchiné. Exalté ou fusionnel, il traverse une œuvre qui va des (Les) Sœurs Brontë à Ma saison préférée, flirtant parfois avec une certaine tentation de l’inceste. Le réalisateur l’aborde plus explicitement dans Les Âmes sœurs où il dépeint la relation trouble entre un frère et une sœur, réunis après une longue séparation. Lui, David, est un soldat, blessé dans l’explosion de son véhicule blindé au Mali. Elle, Jeanne, agent de sécurité à ses heures perdues, l’accueille dans sa maison des Pyrénées pour une longue convalescence.
Car David est amnésique et doit tout réapprendre. Y compris apprendre à connaître sa sœur. De leurs rapports antérieurs, nous ne saurons presque rien. Nous percevons à peine le malaise de Jeanne à cohabiter à nouveau avec ce frère et à évoquer ainsi leur passé familial. C’est bien puisque David ne veut rien savoir.
Face au grand vide de sa mémoire, il préfère partir d’une page blanche et se laisser porter par son instinct. Or, c’est précisément cela qui le pousse vers cette sœur, devenue chaque jour plus indispensable. Dans ce tête-à-tête de plus en plus oppressant se développe une relation exclusive à laquelle Jeanne semble vouloir échapper. La bonne idée d’André Téchiné est de faire de l’amnésie de David le moteur du scénario. Elle entoure ce couple d’une brume qui se dissipe au fur et à mesure que le passé l’éclaire. La force du lien est cependant intacte et réapparaît de manière viscérale et primitive, comme la nature qui les entoure.
Mais si le cinéaste est convaincant lorsqu’il filme la renaissance de David luttant contre ses blessures à l’Institution Nationale des Invalides, il l’est moins par la suite pour faire ressortir l’ambiguïté des non-dits entre Jeanne et David. La mise en scène froide, un peu mécanique, laisse peu de place à l’émotion, sauf dans une scène finale symboliquement très belle. Les personnages, têtus et en perpétuel mouvement, laissent ainsi le spectateur en dehors de leurs tourments même si les acteurs, en particulier Noémie Merlant et André Marcon, ne le méritent pas.
Les Âmes sœurs d’André Téchiné, 1h40, Benjamin Voisin, Noémie Merlant, Audrey Dana – Au cinéma le 12 avril 2023.