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[CRITIQUE] Disco Boy – Traumatismes lumineux

Comme la plupart d’entre nous, le réalisateur et scénariste Giacomo Abbruzzese reconnaît les qualités d’acteur de Franz Rogowski. Il n’hésite pas à s’attarder sur le visage de l’acteur ou à zoomer lentement sur ses yeux pleins d’émotion. Mais aussi formidable que soit Rogowski, Disco Boy n’est pas qu’un one man show. Il y a une puissance constante partout dans le film souvent expérimental d’Abbruzzese, qui se débat parfois sous le poids de ses thèmes nombreux et complexes, mais qui ne les perd jamais de vue. Avec sa réflexion sur la Légion étrangère française et son final disco relativement déroutant, les comparaisons avec Beau Travail de Claire Denis (1999) sont inévitables, mais Disco Boy existe aussi dans sa bulle propre, faite de transcendance et de mélancolie.

Aleksei (Rogowski) est un jeune biélorusse qui se débat avec sa propre identité. Après une traversée illégale traumatisante en France où son meilleur ami Mikhail meurt, il s’engage dans la Légion à la recherche de quelque chose qui pourrait lui donner un sentiment d’appartenance. Dans cinq ans, il sera citoyen français ; les autres soldats commencent même à l’appeler Alex plutôt qu’Aleksei, car nous voyons comment les immigrants sont censés s’assimiler à la société française d’une manière très spécifique. Dans cette nouvelle vie, il y a peu de place pour la liberté. Pendant ce temps, dans le delta du Niger, un activiste révolutionnaire appelé Jomo (Morr Ndiaye) dirige une petite unité pour défendre sa maison rurale, alors que l’extraction pétrolière continue de détruire leur habitat dans la jungle. Les chemins des deux hommes se croisent lorsqu’Aleksei est envoyé dans cette région pour sauver des otages détenus par Jomo.

© Films Grand Huit

Bien que leur rencontre et leurs expériences ne soient jamais reliées thématiquement de manière totalement cohérente, leur confrontation fait partie intégrante de l’intrigue et permet à Disco Boy de passer d’une intrigue stylisée à un portrait douloureux du traumatisme. Les expériences d’Aleksei en tant que soldat commencent à le briser mentalement, exacerbant son sentiment d’altérité déjà présent. Comme dans Beau Travail, Disco Boy jette un éclairage cru sur la Légion étrangère française et sur la guerre en général ; les clichés colonialistes et les vies gâchées nous frappent de plein fouet. Aleksei, comme beaucoup d’autres soldats, devient moins humain à mesure que la Légion l’absorbe. Abbruzzese tient à souligner l’ironie du fait que l’institution censée aider Aleksei ne fait que le dépouiller de sa santé mentale.

Hélène Louvart porte Disco Boy à un autre niveau – on n’en attendait pas moins de l’une des plus grandes directrices de la photographie actuelles. Sa photographie capture des mouvements de danse à la fois intenses et gracieux dans une atmosphère fluide, et elle s’attarde fréquemment sur les visages et les corps pour en extraire toutes les émotions. La façon dont Disco Boy est formé est obsédante et élégiaque, reflétant la mélancolie grandissante d’Aleksei. Si le nouveau comédien Ndiaye est envoûtant dans le peu de scènes qu’il a, c’est Rogowski qui vole la vedette dans le rôle principal. Le charisme habituel, la tendresse magnétique et les émotions fortes mais subtiles de l’un des plus grands acteurs actuels sont au rendez-vous.

Alors qu’Aleksei recherche l’utopie dont il a rêvé avec Mikhail, le disco s’avère être la seule lumière qui brille pour lui, avec ses effets trialisants, ses rythmes tonitruants et sa liberté de mouvement. De même, la relation entre Jomo et sa sœur Udoka est fondée sur le pouvoir de connexion du disco. Cette force motrice, soutenue par une sublime partition originale de Vitalic, offre une forme d’espoir aux personnages interdépendants. À la fin, fidèle à sa nature rêveuse, Disco Boy laisse entendre que cette vision de la libération pourrait n’être qu’une vision utopique plutôt qu’un objectif réalisable.

Disco Boy de Giacomo Abbruzzese, 1h31, avec Franz Rogowski, Morr N’Diaye, Laetitia Ky – Au cinéma le 3 mai 2023.

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