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[CRITIQUE] Apaches – Gangs of New-Paris

Second long-métrage de Romain Quirot, Apaches se situe en plein Paris du XXème siècle, alors qu’un gang nommé les Apaches règne en maitre sur la capitale. Après son film de science-fiction, Le dernier voyage, ce cinéaste français s’essaye donc au genre historique avec ce film d’action au rythme effréné. Il faut tout d’abord préciser, avant cette critique, que nous apprécions le travail ambitieux de Quirot, qui s’attaque avec ses deux premières œuvres à deux genres couteux relativement couteux. La science-fiction qui passe souvent par des effets spéciaux couteux et des environnements impressionnants, mais également le genre historique dont la reconstitution des décors et des costumes engendrent évidemment des faits. Pourtant il faut avouer qu’après deux essais nous restons toujours mitigé sur le résultat de cette ambition, comme si le réalisateur se concentrait parfois sur les mauvais éléments. Retour donc sur Apaches, le Peaky Blinders français, un film tiraillé entre deux visions de lui-même.

© Tandem Films

Le sujet de ce second film, tout comme Le Dernier Voyage, est particulièrement intéressant et intriguant. Les Apaches, ces criminels parisiens, sont un sujet de cinéma passionnant. Tout d’abord car ils présentent une société se rêvant indépendante, donc pleine d’idées narratives intéréssantes. Ce groupe dangereux, et en danger, est constitué d’une constellation de personnages originaux. Mais surtout nos protagonistes, de par leur nature et leur fonction sociale, sont un véritable terreau de scénario, tant leur mode de vies est rempli d’aventures et d’actions violentes. Cet univers passionnant, et complexe, est donc prometteur. Romain Quirot réussit son pari de rendre ce Paris du XIXème crédible, à l’aide d’effets spéciaux pourtant peu élégants. La ville lumière est sale, brutale et en ruines, soit le reflet de ses habitants violents, et violentés. Une ambiance poisseuse qui aide à rentrer dans cet univers particulier, tout comme Le dernier voyage réussissait à créer un environnement postapocalyptique en quelques plans. Même si nous sommes plus proches de l’apocalypse plutôt que de l’après, en quelques séquences Quirot réussissait à transmettre cette nuance intéressante. 

Le chaos parisien, les quartiers délabrés et les cheminées fumeuses ne suffisent pourtant pas pour faire d’Apaches un grand film : il souffre des mêmes défauts que Le Dernier Voyage. Les deux films délaissent les personnages au profit d’un univers plus global. Le désavantage de cette mise à l’écart de la complexité des protagonistes c’est que les enjeux deviennent donc manichéens. Dans un monde où tout s’entremêle sans cesse c’est dommage d’en revenir à des bases aussi simples. Le cinéma en tant que reflet du monde, devient fade si on lui enlève la réflexion et la pensée. On peut être simple sans être aussi simpliste. Délaisser les questionnements moraux autour du mode de vie des Apaches et décomplexifier les relations entre les protagonistes est un choix décisif pour ce long-métrage. Quirot avait déjà tenté l’expérience dans sa première œuvre, ce qui ne fut pas sa meilleure idée, et malheureusement il recommence. Un choix tout sauf anodin, qui transforme le film en autre chose, vers d’autres horizons. Loin de l’introspection trouble, et troublante, Apaches se rapproche bien plus d’un film d’action, banal mais effréné.

© Tandem Films

Dans chaque chapitre, Romain Quirot place au minimum une scène d’action, qui devient donc le climax de ces séquences. Le réalisateur fait donc les choix de les placer au cœur du récit, ce sont celles qui lancent l’intrigue, qui créer des rebondissements voir même qui définissent, vulgairement, les personnages. Pourtant, malgré leurs importances, elles ne semblent pas si bien soignées. Moins bien chorégraphiées que John Wick : Chapitre 4 et moins bien réalisé que Les Trois Mousquetaires (la critique arrive), dont nous avons hâte de vous parler bientôt, elles semblent constamment en sous-régime. Les combats et fusillades s’enchaînent donc à un rythme bien trop rapide, mais comble artificiellement les faiblesses narratives. Entre ces séquences bourrines, quelques dialogues clichés et romanesques viennent tenter d’expliquer les motivations de personnages, faiblement interprétés. Apaches c’est un film d’action qui ne sait jamais où aller, et lorsqu’il se décide enfin à trouver sa destination il s’y dirige faiblement, sans entrain particulier.

Pourtant, malgré ses défauts, je ne peux m’empêcher d’avoir de la tendresse pour ce second long-métrage. On aime les réalisateurs ambitieux bien sûr mais ici il y a en plus un hommage au cinéma de Tarantino, à Gangs of New York ou encore à une partie de la bande dessinée franco-belge. Quirot met la lumière sur une partie de la culture populaire française, oubliée par ses compatriotes. Pourtant il se trompe sur la bande originale ou encore sur la voix off, qui ne fait que surligner l’image. Ces effets sont certes stylés, ou amusants, mais n’ont pas de fonds ou de sens. Malgré tout Apaches est prometteur car justement on sent que derrière ce petit raté il y a une envie de cinéma immense, et que lorsque ce jeune cinéaste s’éloignera de références parasites il pourra voler de ses propres ailes. Très haut et très loin.

© Tandem Films

C’est quoi le cinéma de Romain Quirot ? Après deux longs-métrages on commence enfin à dessiner les contours d’un style passionnant, mais anti-jouissif. L’univers qu’il réussit à créer scrupuleusement dans ses œuvres est réussi, notamment car il est parsemé de détails le rendant sensible et tangible. Malheureusement à l’intérieur de ces environnements, des mines d’or pour la narration, il ne réussit jamais à creuser le bon filon. Ses personnages ne sont jamais aussi incarnés que nous pouvions le fantasmer tandis que les intrigues restent manichéennes et bien trop faibles pour nous tenir en haleine. Nous sommes déçus d’Apaches, non pas car c’est un mauvais film, mais car nous en attendions bien plus de ce cinéaste prometteur et ambitieux. En espérant que tout comme ses Apaches, Quirot sera à l’avenir bien plus audacieux et anarchique. Parfois s’éloigner de ses habitudes peut être salvateur. On souhaite de tout cœur qu’Apaches ne soit pas le dernier voyage de Romain Quirot.

Apaches de Romain Quirot, 1h35, avec Alice Isaaz, Niels Schneider, Rod Paradot – Au cinéma le 29 mars 2023

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