Réalisé par Guillaume PITRON, journaliste et auteur du livre La Guerre des métaux rares (Les Liens qui libèrent, 2018) dont s’inspire le long-métrage, et Jean-Louis PEREZ, le nouveau documentaire choc d’Arte revient sur notre nouvelle dépendance aux énergies dites renouvelables. En effet, ce marché mondial souffle depuis plus de vingt ans le vent de la révolution verte promettant le perfectionnement de la croissance et sa continuité, son renforcement et sa prégnance. La pertinence de La Face cachée des énergies vertes est de remettre en cause ce pari.
La première grande idée de ce documentaire est qu’il n’y aucun processus énergétique totalement propre, “zéro émission” ou décarboné, seulement du “Greenwashing” (de la communication mensongère liée au enjeux écologiques, dans le but de vendre ou de ne pas tout remettre en question). “Toute solution propre implique du sale”, peut-être pas en Occident mais ailleurs : en Afrique, en Asie ou en Amérique Latine. Nos batteries électriques, nos éoliennes, nos panneaux photovoltaïques, nos voitures hybrides sont construites à partir de l’extraction de métaux rares et de procédés techniques polluants pour les eaux et milieux naturels. Il faut aussi souligner l’exposition quotidienne des travailleurs locaux (Boliviens, Chinois, Chiliens, Congolais, Mongols) à toutes sortes de produits chimiques favorisant l’apparition de cancers, loin de la vision européenne de l’ouvrier en blouse blanche.
L’autre grande idée de l’œuvre est de montrer qu’il s’agit là d’un mode de production qui n’empêchera pas le réchauffement climatique, allant même jusqu’à l’aggraver. Concernant la voiture électrique, celle-ci est aujourd’hui révélée autant, voire plus, polluante que la voiture à essence à cause des coûts environnementaux évoqués plus haut dans l’article. Il en est de même des autres objets “verts” du futur qui favorisent la destruction des sols, des terres et les émissions de gaz à effet de serre (par leur exportation et importation). Certes, la pollution est moindre en Europe, dans le Nord, mais elle a été déplacée dans les pays du Sud. Seulement, le réchauffement climatique se distingue par son côté total, puisque nous sommes tous habitants de la Terre et que personne n’est à l’abri. Le phénomène et ses conséquences sont donc les mêmes pour toutes et tous, seul le sentiment de culpabilité s’est adouci chez les Occidentaux.
La force du documentaire réside dans sa capacité à faire intervenir des acteurs clés de la science exacte ou sociale, de la politique et de l’industrie, permettant au spectateur de comprendre les procédés à l’œuvre dans la “transition” écologique. Nous pouvons notamment penser à Philippe BIHOUIX (ingénieur), Yves COCHET (ancien ministre français de l’environnement), des représentants de France Nature Environnement, de l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) ou encore, de l’autre côté, des communicants des industries automobile, de l’éolien, du photovoltaïque ainsi que du personnel politique international qui entend développer la filière électrique. Deux référentiels, au sens de deux visions du monde, s’opposent ici entre sobriété énergétique et “croissance verte”. Contrairement à ce que nous laisse penser le sens commun, les deux sont inconciliables et le long-métrage nous montre ainsi que l’objectif de la croissance verte n’est pas le bonheur ou l’intérêt général mais bien la perpétuation d’un essor capitaliste aux profits non partagés et destructeur de la vie. En somme, une perpétuation maquillée et stylisée de notre monde actuel.
Pour résumer, La Face cachée des énergies vertes est donc une œuvre indispensable pour comprendre l’envers du décor de la “transition verte”, les enjeux écologiques profonds et la géopolitique des métaux. A voir absolument.
La Face cachée des énergies vertes, de Jean-Louis Pérez et Guillaume Pitron (Fr., 2020, 95 min). Disponible en replay sur Arte.tv jusqu’au 22 janvier 2021.
Un commentaire
en effet, les éoliennes ne sont pas écolo du tout avec les utilisations massives de métaux rares, et il y a aussi le problème du recyclage de l’énorme socle en béton et de ces pales monstrueuses en composites lors du démantèlement futur de l’éolienne : https://www.officiel-prevention.com/dossier/protections-collectives-organisation-ergonomie/risque-chimique-2/la-prevention-des-risques-professionnels-des-materiaux-composites