[RETOUR SUR..] Scott Pilgrim vs the World – Sex, Beau, de la Bombe !

La sortie récente, le 17 novembre, de l’adaptation animée Scott Pilgrim Takes Off offre une occasion parfaite de revisiter la première adaptation des comics de Bryan Lee O’Malley : Scott Pilgrim vs the World, réalisée par Edgar Wright et sortie en salle en 2010. Alors que certains considèrent déjà ce film comme une œuvre culte, d’autres le trouvent ennuyeux voire problématique. L’une des premières inquiétudes que l’on peut soulever à propos de cette adaptation concerne son existence même. Adapter l’intégralité des 6 volumes de Scott Pilgrim en un film de deux heures est une tâche colossale. De plus, le format du comics, construit comme un enchaînement de combats de boss, pourrait donner lieu à de la répétitivité. Pourtant, Wright exploite la nature même du matériau de base pour créer des mélanges inhabituels dans un blockbuster de 60 millions. Entre les combats de Kaiju en 3D et l’inspiration bollywoodienne (déjà présente dans les comics), chaque combat trouve sa justification dans l’approche de plus en plus ludique adoptée par le réalisateur.

Ce qu’on ne peut enlever à Wright, c’est sa volonté presque épileptique de fusionner des médiums. Là où le comics émule déjà par moments le jeu vidéo à travers des séquences d’action ou des références intelligentes, ici les codes du cinéma s’ajoutent à l’ensemble, créant un mélange risqué entre film, comics et jeux. Et pourtant, ça fonctionne. Les changements scénaristiques transformant l’affrontement contre Lucas Lee (Chris Evans) en véritable beat’em up ou l’insertion d’onomatopées propres au comics dans l’univers du film sont des réussites. Wright parvient parfaitement à transposer l’univers singulier de Scott Pilgrim en film tout en ajoutant une dimension supplémentaire. Cependant, on pourrait craindre que ces références nuisent au déroulement du scénario, à l’instar de nombreux blockbusters récents. Ce n’est pas le cas ici. Comme dans Ready Player One, les références contribuent à la “cohérence” du film. Ce dernier serait sans doute moins marquant sans une “pee bar” au-dessus d’un personnage, une OST de Zelda modifiée pour faire partie intégrante de la bande originale du film ou une bassline de Final Fantasy 2. Ces références, reflétant les personnalités des personnages, témoignent également des inspirations de Bryan Lee O’Malley et Edgar Wright (par exemple, le t-shirt Plumtree porté par Scott faisant référence à la chanson du groupe du même nom qui a donné son nom à notre protagoniste). Il en ressort une œuvre personnelle, proche de l’autobiographie pour Bryan Lee O’Malley, qu’Edgar Wright semble être le seul à avoir correctement adaptée.

© Universal Pictures International France

Ces inspirations ne se traduisent pas uniquement par des références, le film s’inscrit également dans le genre de la screwball comedy à la manière des œuvres de Frank Capra. Les personnages interagissent de manière exagérée, que ce soit à travers les dialogues (qui ont d’ailleurs réussi à faire pleurer de rire l’auteur de ces lignes) ou leurs mouvements, comme le saut au travers de la fenêtre devenu culte, rappelant certains gags de You Can’t Take It With You. Ce style loufoque se retrouve aussi dans le montage du film, fruit d’un travail colossal où chaque séquence est optimisée pour raconter les péripéties de nos protagonistes. Si cette optimisation pourrait nuire à l’inventivité de la mise en scène, ce n’est pas le cas. Edgar Wright trouve toujours une manière ludique d’amorcer ses transitions, que ce soit par un simple contrechamp pour changer de lieu ou l’incrustation d’onomatopées tout au long du film. Cependant, aucun film n’est parfait. On peut souligner la pauvreté du développement de certains personnages secondaires (surtout en comparaison avec les comics), notamment Kim, bien plus développée vers la fin de la série. Ici, elle se contente de répliques tranchantes et de quelques regards noirs, et elle n’est pas la seule dans ce cas. L’arc narratif de Knives se conclut également rapidement en raison du changement de la fin alternative initialement prévue, apportant ainsi une conclusion totalement différente à son personnage. Ces défauts restent mineurs dans l’intrigue, et il ne nous reste qu’à espérer que la série animée puisse y remédier. Malgré cela, les personnages demeurent une grande réussite, notamment le couple phare : Ramona et Scott. Suivre deux personnages antipathiques (surtout Scott) fait qu’on les adore tout en les détestant, et voir leur évolution au fil du récit est captivant. Ceux-ci sont rendus vivants par un casting exceptionnel, annonciateur de la carrière future de certains membres. En effet, le film met en avant Michael Cera, Mary Elizabeth Winstead, Chris Evans, Brie Larson et Jason Schwartzman. La performance de Michael Cera renforce un personnage déjà complexe, à l’immaturité stratosphérique, le rendant pourtant attachant.

En observant des relations complexes entre des personnages qui le sont tout autant, certains pourraient voir une armada d’êtres antipathiques et méprisants. D’ailleurs, ce film est souvent résumé en une simple phrase : “Scott est un connard”. Ce qui n’est pas entièrement faux, mais pas totalement vrai non plus. Effectivement, Scott est initialement présenté comme peu respectable, tout comme Ramona. Cependant, c’est là tout le cœur du film, qui reste un coming-of-age. Placer les personnages dans leur vingtaine est déjà un choix intéressant. Contrairement à la plupart des autres personnages, déjà matures, eux partent avec un retard. Au lieu d’observer des problèmes de lycéens, on suit deux personnages à la limite de l’exclusion sociale, des parasites (notamment pour Scott) qui doivent apprendre à vivre avec les autres, à être autonomes et simplement respectables. Au-delà du divertissement hollywoodien, Scott Pilgrim est une véritable œuvre générationnelle qui présente des personnages plus complexes qu’il n’y paraît. Edgar Wright s’amuse en tant que réalisateur à adapter les comics, et son ingéniosité dans la mise en scène compense souvent les quelques écarts du scénario.

Scott Pilgrim vs. the World d’Edgar Wright, 1h52, avec Michael Cera, Mary Elizabeth Winstead, Jason Schwartzman – Sorti en décembre 2010

8/10
Note de l'équipe
  • Thomas Hermier
    8/10 Magnifique
  • JACK
    7/10 Bien
    Scott Pilgrim vs The World repousse les limites de la transmission par l'image, fusionne les codes vidéoludiques et cinématographiques avec une énergie décoiffante. L'ultra-créatif Edgar Wright pond une bombe geek imposante et débridée, explose les scores avec sa caméra.
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