Le nom de Jon Watts ne vous est sûrement pas inconnu. Il est le réalisateur du blockbuster le plus attendu de cette fin d’année : Spider-Man : No Way Home. Mais avant de travailler dans de gigantesques systèmes hollywoodiens, il a commencé dans le cinéma de genre. Et son style cinématographique a beau être très lisse lorsqu’il travaille pour Marvel, il y a pourtant quelques années Watts convoquait le cinéma des frères Coen pour une course poursuite mortelle avec Cop Car. Retournons en 2015. L’histoire de deux enfants fugueurs qui pour jouer vont voler une voiture de police. Un petit problème va alors se poser : cette voiture appartient à un shérif corrompu et il reste quelqu’un enfermé dans le coffre. Comprenant que ces enfants risquent de briser sa vie, il se met alors en traque, pour détruire leurs vies et sauver la sienne.
Tout d’abord ce qui vient impressionner dès les premières secondes du film c’est bien évidemment la manière qu’a Watts de contrôler le temps. Il étire et dilate les scènes selon sa volonté. Cela se remarque lors de cette scène où les deux protagonistes doivent passer en dessous d’un fil de fer. En laissant le temps à la scène de vivre, de se développer, Watts permet à ses spectateurs d’immédiatement identifier les caractéristiques des personnages. Des caractéristiques simples mais efficaces. On comprend en une seule scène lequel des enfants est le plus courageux, le plus imprudent et lequel est le plus renfermé. Elle est là la force de la mise en scène de Watts, laisser respirer les scènes pour que se dégagent des idées simples, les forces motrices de son récit.
Sortie scolaire.
Son récit d’ailleurs se base sur une idée simple mais une prémisse intéressante : deux enfants volent la voiture d’un policier corrompu. Voici l’entièreté du scénario. Ici il ne faut pas s’attendre à des rebondissements ou twists de folie. Avec cette simple phrase comme ligne de conduite Watts va réussir à développer ses personnages beaucoup plus facilement que dans un scénario complexe. Des personnages qui d’ailleurs sont peu nombreux mais leur rôle et leur but est ainsi bien plus facilement identifiable. En limitant le nombre de ses personnages a seulement cinq, et en les caractérisant très clairement Watts se donne toutes les cartes pour réussir un film de genre au scénario simple, mais pas simpliste. Les objectifs et les caractéristiques des personnages étaient définies, il est alors très simple pour le spectateur de s’immerger dans les conflits du récit.
Cop Car est un film aux enjeux et aux décors minimalistes. Cela se voit notamment lors de la fusillade qui cristallise les conflits du long-métrage. Le spectateur situe extrêmement simplement où sont chacun des protagonistes, et quel est leur but, ce qui permet à Watts de ne pas perdre de temps en communiquant des informations inutiles. Il peut alors se concentrer sur l’intensité émotionnelle de la scène, cela se voit notamment lors des échanges de regards. Cop Car est un exemple extrêmement réussi du « Show, Don’t tell », ce principe narratif consistant a montré les éléments du scénario par la mise en scène et le montage plutôt que par les dialogues. Jon Watts est conscient que le cinéma est un art de l’image et il va utiliser divers moyens pour montrer plutôt que dire. C’est par cet outil que Watts se démarque et fait de Cop Car un film fascinant.
L’idée du siècle.
Sa direction d’acteur est sobre avec sur l’ensemble du casting sauf pour le shérif, incarné par un Kevin Bacon complétement transcendé. Son regard de folie, ses mouvements rapides et ses sursauts d’énervements en font un ennemi instable donc dangereux. Surtout en comparaison avec le reste du casting qui reste calme et ne cède pas à la panique ou à un quelconque sursaut d’émotions. Nul besoin de dialogues explicatifs disant que le shérif est sous drogues dures, cela se voit et se ressent par la prestation de Bacon. Une autre idée de Watts pour montrer des personnages complétement isolés et de nous le montrer dans le cadre. Ils ne croisent que très peu d’autres personnes, semblant toujours seuls au milieu d’une étendue désertique, le monde les a abandonnés et en voici le résultat. Cop Car est un film de genre inattendu, flirtant souvent avec les thrillers comiques des frères Coen. Et je ne peux que vous conseiller d’aller le voir sans hésiter.
Mad Max.
C’est quoi le cinéma ? Le cinéma c’est avant tout un art, mais depuis sa création le cinéma c’est aussi une autre composante : une industrie pesant plusieurs milliards. Et c’est pour cela que Cop Car est un film qui me fascine et m’effraie à la fois, car il est la preuve que Watts n’est pas dénué de talent. Alors comment se fait-il que ces dernières années, au service de Marvel pour réaliser les Spider-Man, il a été complétement dépossédé de ce talent ? Si on regarde les deux derniers films de Watts on a l’impression qu’il ne sait pas laisser respirer son récit, qu’il ne sait plus utiliser la mise en scène pour raconter une histoire, on a l’impression que Watts a été complétement dépossédé de tout ce qui faisait sa patte. Et c’est pour cela que ce film m’effraie car je crains que Sam Raimi, futur réalisateur de Docteur Strange 2, subisse le même sort et nous sorte un film générique au possible. Alors que la sortie de No Way Home approche je n’ai qu’un seul souhait pour le film : que Watts puisse à nouveau s’exprimer, qu’il montre à tous ses détracteurs (et ils sont nombreux) qu’il a un talent inouï, qu’il peut être un bon cinéaste. Je ne sais pas si cela arrivera maintenant en décembre, mais je sais qu’un jour Watts reviendra en tant que bon metteur en scène. Je sais qu’un jour, tout comme moi, il repensera à ces deux enfants, isolés au milieu du désert. Un jour il reviendra là où tout a commencé : le cinéma de genre.
A voir sur Shadowz, réalisé par Jon Watts, avec Kevin Bacon, James Freedson- Jackson et Hays Wellford.
Cop Car disponible en (S)VOD et DVD.