« C’est l’histoire d’un chien cinéaste », à partir de là, ce film vous dirige vers l’inconnu. Cette première phrase du synopsis donne tout de suite le ton du film qui consacre tout son propos sur le regard des animaux, et en l’occurrence des chiens, devant la caméra à travers le cinéma. Ce nouveau film franco-portugais de Maxime Martinot présenté à la 42ème édition du Festival International du Film d’Amiens et qui est également en compétition, sera sans doute l’expérience la plus inédite au cours de ce festival que ce soit dans le fond ou la forme.
En se consacrant déjà à la forme, le film regroupe plusieurs types de médias dans son montage, ce qui appuie son étiquette de film documentaire. Majoritairement, l’on retrouve des extraits de film regroupant la présence des chiens au cinéma et ce, depuis l’âge du tout premier film au cinéma à la toute fin du XIXème siècle, jusqu’à tout récemment en 2021. Toute cette rétrospective sur la présence canine au cinéma s’accompagne d’images personnelles du réalisateur avec ses propres chiens.
Également, il y a des scènes écrites et qui mettent en scène les deux seuls personnages humains du film avec d’un côté le rôle du réalisateur représentant Maxime Martinot qui est joué par Hugues Perrot, et d’un autre le rôle de la productrice jouée par Raquel Schefer. Ces deux personnages permettent de rebondir sur le fond du film qui est l’aspect le plus déconcertant de ce film. Il est question lors de ce visionnage de parcourir tout le long du film, la conception de celui-ci. Les scènes mises en scènes avec le réalisateur et la productrice sont justement présentes pour lier toute la partie du film qui se consacre à sa propre concrétisation. Il y a un fort aspect métaphysique que l’on retrouve chez l’œuvre de Maxime Martinot qui incite le spectateur à participer à l’élaboration du film projeté devant ses yeux. Dans les phases de conception où l’on retrouve les scènes de fiction avec les deux protagonistes, ceux-ci nous impliquent dans leur discussion qui s’adresse à la trajectoire doit prendre et qui viendra à évoluer. Au début, l’on constate justement lors de leur première discussion que le film n’est qu’au stade de projet et qu’au fur et à mesure, l’idée principale de Olho Animal émerge pour au final qu’on entende au bout d’un moment cette phrase dite par la productrice qui guide la trajectoire du film : « C’est l’histoire d’un chien cinéaste ».
En matière d’enjeux, il y en a finalement peu, ce qui n’est pas si étonnant avec la trempe du film. Mais au tout début, il y a cette voix off qui explique déjà de faire un film qui veut titiller la curiosité et l’intéressement des producteurs et du public, avec cette question de : jusqu’où l’être humain peut être prêt à utiliser son argent pour assister et produire un tel film. En l’occurrence, Olho Animal cherche d’entrée de jeu à prouver. Bien que cette idée soit au début amusante, cet enjeu se laisse vite remplacer par celui dont la question est de savoir quel sera la trajectoire du film comme énoncé auparavant. De fait, ce premier enjeu officiellement très minoritaire n’a pas de conclusion très claire car elle se finit dans un monologue assez pompeux, et à coup sur abstrait. Mais finalement ce n’est pas si intéressant parce que c’est l’idée de l’oeil animal qui est mise en lumière et qui est le fil rouge du film. C’est donc cette question du regard de l’animal au travers le cinéma qui est effectivement le propos du film.
Le bref entretien qui a eu lieu après la projection du film avec l’acteur Hugues Perrot vient corroborer ce point central en affirmant que : « Le réalisateur avait fait cet important travail d’archivage des images de chiens à travers l’histoire du cinéma. Il avait l’idée d’interroger le regard que l’on porte sur le chien ainsi que le regard que lui sur porte sur nous, humains. ». Cela étant établi, il sera de bon augure d’admettre que le film ne manque pas du tout d’accrocher et d’intéresser son spectateur, il le fait déjà par son sujet qui peut toucher tout le monde, la présence animale et de ce fait comment il est abordé tout du long. Mais c’est également ce travail de rétrospective avec ses multiples extraits de films qui a une vertu ludique car il sera vite amusant de déceler de quels films appartiennent les différents extraits que l’on voit. Il se peut même que ces extraits puissent jauger votre cinéphilie selon le nombre d’extraits reconnus.
En outre, Ohlo Animal vaut certainement son coup d’oeil pour toutes les raisons évoquées auparavant et par la manière singulière de Maxime Martinot d’appréhender son propre film. C’est une invitation à se plonger dans le regard animal sur la caméra, ce qui est une chose a priori simple mais qui finit par rendre des questionnements tout à fait pertinents durant l’entièreté du film. Mais c’est également en quelque sorte une déclaration d’amour à ces êtres domestiques qui peuvent nous accompagner durant toute notre vie, qui représentent une partie de nous et dont le film l’évoque sans forcément le faire explicitement car cela est ancré comme une évidence. Il est impossible de ne pas y être touché en prenant un tel sujet et en le liant à celui du cinéma. Le film réussit là où il entend réussir et au-delà de ça, il arrive à convaincre par son approche rationnelle et sincère malgré le premier abord déroutant qu’on peut avoir dessus. En toute honnêteté, il en est pas grand chose de cet aspect déroutant, c’est un film documentaire qui se mesure et qui se laisse aisément apprécier, il suffit de plonger.
Documentaire de Maxime Martinot, avec Hugues Perrot, Raquel Schefer