[CRITIQUE] Massacre à la tronçonneuse (2022) – L’abrutissement de masse

Avant de s’intéresser au nouveau-né de la saga Leatherface signé Netflix et réalisé par David Blue Garcia, laissez-moi vous guider à travers le Texas où rednecks poisseux et huile de moteur pour tronçonneuse cohabitent pour former une floppée de films tantôt mémorable et culte tantôt oubliable et nué d’intelligence et de subtilité. Mettez votre ceinture, ouvrez la fenêtre et respirez un grand coup pour plonger avec moi dans ce qui est une des sagas les plus cultes du cinéma d’horreur.

Qui n’a jamais rêvé de passer un coup de tronçonneuse à travers une file d’attente un peu longue au supermarché ? Personne, je ne suppose. Mais quelqu’un y a pensé et cet homme, c’est Tobe Hooper. Un réalisateur inconnu au bataillon dans le début des années 70, qui pendant une file d’attente un peu trop longue s’imaginait traverser cette foule avec une tronçonneuse en guise d’arme. Une idée a germé dans son esprit. Pourquoi ne pas réaliser un film qui lui fera accéder à Hollywood en parlant d’un groupe d’amis traversant le Texas pour visiter une vieille maison abandonnée du grand-père décédé d’un membre du groupe. Pendant la traversée, ils vont tomber sur une famille cannibale voulant les pourchasser. Deux ans plus tard, Tobe Hooper réuni son équipe et réunit un budget de 60 000$ et va mettre en scène ce qui va être le calvaire de 5 étudiants pris dans les mailles du filet d’une famille cannibale. Le réalisateur ne lésine pas sur le fait de faire souffrir ses acteurs sur le tournage, quitte à utiliser du vrai sang de cochon ou encore dans certaines scènes, prendre des corps réels en décomposition d’animaux.

Lave ton masque, espèce de gros crado !

Malgré son maigre budget, il réussit à offrir un film quasi-documentaliste où le spectateur est acteur du récit et bloqué dans cette spirale infernale d’1h20. Nous sommes impuissants face à cette violence non pas graphique comme pourrait être la majorité des films d’horreur actuelle qui misent sur les litres de sang utilisés au lieu d’une bonne réalisation et de scènes qui imprimeront votre rétine à jamais. Impuissant, comme pourrait l’être Pam, empalée sur un crochet de boucher regardant son copain Kirk, se faisant démembrer peu à peu par Leatherface ou encore comme Sally, à la fin du film, survivante de cette atrocité partant dans un coffre d’un pick-up en criant et rigolant de démence à plein poumon. Hooper se créé un genre de film, celui qui réinvente la peur à l’écran, non pas par l’utilisation de jump-scares mais apporte une démarche bien plus charnelle. Il montre les choses de façon brutales et crues. Début d’un style se rapprochant du found-footage ou du documentaire que de la fiction pure, le texte débutant le film expliquant ce que nous allons voir est une histoire vraie, participe à l’aura de ce que va être Massacre à la tronçonneuse, mais derrière l’horreur de la famille Sawyer se cache un reflet sombre de son époque.

Comme pouvait le faire La Nuit des morts-vivants de Romero répondant à la paranoïa de la guerre froide, Massacre à la tronçonneuse transpire des violences faites dans les années 70 causées par les traumatismes de la guerre du Vietnam, de la trahison des politiques dominés par l’affaire Watergate. Une répugnance face aux mensonges de l’Amérique est dressée par Hooper dont il fait le fond de son drame, l’idéal américain de la famille livré cette fois comme un idéal hautement toxique. Un parallèle peut aussi être observé quant à une version bien plus personnelle d’Hansel et Gretel où les petits égarés sont ici mangés sans scrupules par cette famille texane cannibale après avoir été dépecé par le géant au masque de chair avec un QI d’enfant de 8 ans. Massacre à la tronçonneuse premier du nom est pour moi, le film d’horreur parfait mélangeant ambiance morbide et un savoir-faire qui met au tapis ses prédécesseurs.

Who are you ???

Lorsque en 1986 quand Tobe Hooper réalise une suite, il reprend l’histoire qui semblait être finie des Sawyer. Un membre vient se rajouter à cette famille mangeuse d’hommes, une grand-mère pourrie jusqu’à l’os et d’un jumeau au frère cadet. Le film se prenant beaucoup moins au sérieux et joui d’un humour noir bien plus prononcé pourra ravir une nouvelle partie du public. Profitant d’un supplément maquillage un peu trop burlesque, cette suite fait du chef de la famille Sawyer un champion du chili grâce à sa viande de premier choix – qui vous l’avez compris est faite essentiellement d’humains en tous genres. Ce changement total d’ambiance peut parfois déstabiliser et prend le contre-pied de ce qu’était l’essence (sans mauvais jeu de mots) du premier film. Un métrage plutôt oubliable même si plusieurs phrases culte restent encore dans ma mémoire. Un film se voyant juger de par l’excellence du premier. Un changement de ton un peu trop drastique, mais tout à fait plaisant. Massacre à la tronçonneuse 3, sortie en 1990 retrace l’histoire de la fille cachée de Leatherface, une toute nouvelle famille a été inventée pour le film. Le géant un peu nié est mis en avant surtout dans les scènes d’action mais le film reste oubliable et frôle le nanar. Un quatrième film se fera, toujours centré sur la famille Sawyer. Massacre a la tronçonneuse : La Nouvelle génération sortie en 1994. Écrit et réalisé par la coscénariste du premier opus, Kim Henkel, le film ne pourrait qu’être bon. Il revendique son lien avec les deux films précédents en évoquant dans son introduction deux incidents liés à l’affaire. Les Sawyer sont ici, des mangeurs de pizzas, instruments d’un vaste complot Illuminati. Un Leatherface sous coke arborant un masque sûrement fabriqué en Chine qui peine à tuer qui que ce soit. Malgré un casting plutôt alléchant avec la présence de Renée Zellweger et de Matthew McConaughey, le film cabotine et devient ridicule. Il est grand temps que cette saga retrouve ses lettres de noblesse. Un changement d’apparences et de nom est primordial pour faire oublier ces suites de trop.

Ce n’est une décennie plus tard qu’un remake arrive sur nos écrans. Produit par Michael Bay, il rachète les droits de la franchise pour créer quelque chose de nouveau. Il appelle Marcus Nispel, un réalisateur de clip pour mettre à jour cette nouvelle histoire de Leatherface. Nispel retourne dans les années 70, mais revisite le film. Relecture du mythe, un changement était à faire. Le nom de la famille texane est changé pour s’appeler Hewitt et Leatherface a maintenant un nom, Thomas Hewitt. Petit dernier de cette famille consanguine comprenant la mère, la grand-mère, un oncle et un cousin. Le film possède un budget large de 9 millions de dollars, le changement de ton est radical et arbore grâce au design des personnages, quelque chose de plus crasseux. Protégé par sa famille, Thomas est conscient de ses actes et prend du plaisir à trancher quelques têtes. Un casting plutôt solide composé de Jonathan Tucker, Eric Balfour ou encore Jessica Biel qui joue la fameuse demoiselle en détresse, unique survivante du carnage. Le film est bien sur moins bon que l’original, mais propose quelque chose de différent ou pendant certaines scènes la caméra se balade dans cette horreur texane. La plupart des critiques ne sont pas forcément tendres avec ce remake mais le public en fait un succès en salles. Remboursant son budget dès le premier jour de diffusion en faisant un carton plein pour ce genre de film. Il dépassera les 107 millions de dollars au box-office et relancera la machine pour les deux décennies suivantes. Suivront par la suite un prequel Massacre à la tronçonneuse : Le Commencement (2006) de Jonathan Liebesman qui revient sur l’origine du personnage puis en 2013, Texas Chainsaw 3D de John Luessenhop, réelle réhabilitation de Leatherface qui imagine une suite au premier film original avec la descendante actuelle de la famille Sawyer. On doit attendre quelques années avant que deux petits Français, Julien Maury et Alexandre Bustillo réalise une nouvelle version du tueur à la tronçonneuse. Leatherface est un prequel au premier film de Tobe Hooper qui revient aux origines du personnage. Un film plutôt sympathique tant il transpire le respect pour son film originel.

Après une bonne grosse soirée techno/drogue.

Malgré la qualité plutôt discutable des films composant cette saga, c’était avec hâte que j’attendais cette énième version et nouvelle vision d’un auteur pour Leatherface. Une nouvelle suite au premier film qui suit un groupe de jeunes qui se rendent dans une petite ville située dans les fins fonds du Texas pour lancer une nouvelle entreprise, c’est sans surprise qu’ils tomberont contre Leatherface. Sally Hardesty, unique survivante de la tuerie des années 70 revient en mode Sarah Connor. Je vais commencer par les points positifs qui doivent se compter sur les doigts d’une main. Déjà, le film ne dure pas longtemps, environ 1h20 générique compris. Il n’y a pas vraiment un moment où on s’ennuie et heureusement parce que’ le peu d’éléments scénaristiques que compose le film, les moments de tuerie ont intérêt à être dantesque. Et de ce que côté, on en a pour notre argent. Jambes cassées, tuerie de masse dans un bus à la tronçonneuse ou encore têtes découpées composeront cette bouse cinématographique. Je crois que ça doit être le film le plus sanglant de la saga, mais c’est loin d’être le meilleur. Passons maintenant au sel, à la déception. Je me sens comme Vito Corleone dans Le Parrain quand il regarde le cadavre de son fils criblé de balles (oups spoiler). Pourquoi Netfix fait ça ? Pourquoi on t’il massacré cette aura qu’avait Leatherface. Je peux comprendre que le réalisateur a voulu donner au tueur cet aspect immortel, mais à partir d’un moment ça en devient ridicule. Un film qui veut avoir des propos intelligents, mais finit par se perdre dans son message.

Massacre à la tronçonneuse veut surfer sur la vague des « reboot suite » où des anciens acteurs reviennent pour se venger mais ne fait pas mieux qu’Halloween Kills. Rempli d’incohérence, Leatherface devrait avoir dans les 70-80 ans comme le film se passe 50 ans après le premier. Ne parlons même pas du retour (tant attendu ?) de Sally, qui ici est vu comme une Laurie Strode venant se venger, mais va finir par être tué au bout de 10 minutes. Ce film représente parfaitement cette surconsommation que Netflix et les autres plateformes mettent en valeur, des films plus que médiocres qui sont là juste pour « poser » son cerveau n’ayant pas de réflexion derrière. Un abrutissement de masse qui représente parfaitement ce nouveau-né Massacre à la tronçonneuse.

Note : 1.5 sur 5.

Massacre à la tronçonneuse sur Netflix le 18 février 2022.

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