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[RETOUR SUR..] La mariée était en noir – Une vision de la vengeance

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Par Arno Pigeault

Une jeune femme, en tenue de mariée, assiste impuissante à l’assassinat d’un homme qui semble être son mari. Cet événement tragique, dont elle ne se remettra pas, la pousse à la vendetta, sur les traces des responsables. Leurs noms, listés, sont rayés une fois leur mort assurée. Ce synopsis, avant d’être remodelé par le dyptique de Quentin Tarantino, est surtout celui de La mariée était en noir de François Truffaut. Sorti en 1968, nous retrouvons dans ce film la « mariée », le personnage de Julie Kholer joué par Jeanne Moreau, qui captive notre regard, et attise le mystère et la tension.

À ses débuts, La mariée était en noir se laisse désirer. Le film laisse planer un mystère épais autour de son protagoniste, ou de son antagoniste selon le point de vue. François Truffaut introduit ses personnages d’une façon efficace en ne relevant rien à leurs égards sur les premières minutes. Le réalisateur se joue de nous dans le bon procédé de son intrigue. En faisant cela, le long-métrage ne fait qu’attiser notre attention, et elle se fixe naturellement sur le personnage de Jeanne Moreau. Durant la première demi-heure, c’est un jeu d’énigme qui est proposé par Truffaut. Cependant, la succession des scènes et le déroulement du récit se faisant, la révélation n’est plus si lointaine. Nous retrouvons des personnages qui évoluent dans leurs propres espaces et pourtant il y a toujours un lien avec la vengeresse. C’est au fur et à mesure qu’une trajectoire se dessine, ce qui renforce de fait notre curiosité et notre implication. Soudainement, quand Julie Kohler est en proie à tuer sa troisième victime, quand elle se confie sur ses attentions et révèle sa quête de vengeance, le film est mis à nu, libéré presque entièrement de ses mystères. Dans une œuvre qui respecte le genre du thriller, La Mariée était en noir explore les horizons de ce genre avec sa construction qui bascule de l’énigme à la tension. C’est dans cet axe que le film peut se montrer ô combien appréciable, où l’on se plaît à assister à ces deux phases, marquées par un moment de révélation rajoutant de l’ampleur au film de Truffaut. 

Le thème de la vengeance est en toute logique abordé et il a une présence de plus en plus palpable au cours de l’histoire. Ce thème central évolue différemment de la perception que l’on puisse s’en faire. En l’état, lors de la première partie, l’idée de la vengeance est traitée avec distance, avec surprise et netteté. Sans oublier le caractère fatal de la vengeance, celle-ci passe du froid au chaud quand Julie se prête aux aveux avant de rayer un nouveau nom de sa liste. Une tournure plus personnelle s’en dégage indubitablement, ce qui rejoint notre implication plus accrue évoquée antérieurement. Cela rappelle sans doute la projection du schéma thématique de Kill Bill et de ses deux volumes, ainsi que la manière dont la vengeance y est abordée et évolue d’un volume à l’autre. Cette similarité propose une conclusion intéressante sur la façon qu’a la vengeance de prendre vie au cinéma. Il y a toujours un fatalisme au travers de ce thème, et nous ne serions pas surpris de retrouver cette concordance dans Lady Snowblood de Toshiya Fujita. Mais en recentrant notre attention sur le film de François Truffaut, celui-ci véhicule un propos singulier via son œuvre.

Un sous-texte émerge dans cette histoire de vendetta, où Truffaut ne se contente pas de simplement mettre en scène une vengeance. Son discours implicite s’accorde sur un trait commun à toutes les victimes de Julie, ou ses ennemis. Il s’agit de mettre en relief chez ces hommes leur nature perverse, l’aversion qu’ils éprouvent vis-à-vis de la gente féminine. Pour poser le cadre, ces hommes se réunissent par passion commune et ont tout l’air d’avoir donné lieu à une sorte de club privé. On nous montre qu’ils sont tous férus de chasse, mais comme toujours, tout est bon pour ériger un prétexte. François Truffaut n’a pas besoin de se donner tant de mal pour construire son propos implicite, on constate très vite ce qui réunit au plus profondément ces hommes. De plus, il est également intéressant d’apercevoir que, compte tenu de la mort accidentelle du mari quand une des cibles révèle la vérité sur sa mort, le réalisateur trouble le rapport entre victime et coupable chez ces hommes. Ils détiennent cette double casquette et cela vient donner de la proéminence dans le lien présent entre Julie Kohler et les membres de sa liste. Chez Truffaut, la vengeance sert à son tour de prétexte à une ode féminine.

En admettant la réelle influence transatlantique du long-métrage, ce n’est que par le thème de la vengeance que la similitude s’établit (et quelques éléments formels). La mariée était en noir reste une histoire et une exécution unique. Malgré la tendance de Quentin Tarantino à nier cette référence évidente, il s’agit tout de même d’une référence qui donne du poids à son diptyque, magnifiant encore plus les idées que l’on peut retrouver ici. La vengeance abordée sous l’égide de la femme est décidément un genre que j’affectionne beaucoup, et que je suis prêt encore à découvrir avec Lady Snowblood, mon prochain papier.

La mariée était en noir de François Truffaut, 1h47, avec Jeanne Moreau, Michel Bouquet, Jean-Claude Brialy – Sorti au cinéma le 17 avril 1968

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