Dire que j’attendais ce nouveau né dimorphe bouffeur de chair et suppôt de Satan ne serait qu’un euphémisme. J’ai une relation très particulière avec les films Evil Dead, mais surtout avec Sam Raimi. J’aime sa manière d’aborder l’horreur, cette imagination et retranscription qu’il a pour l’univers créé par Lovecraft. Une inventivité qui transpire, dégoulinant à travers la pellicule, pour nous offrir un spectacle autant macabre que bidonnant. Il signa trois films tout aussi excellents les uns que les autres et c’est plus de 20 ans plus tard qu’une nouvelle relecture du mythe du Necronomicon se hisse dans les studios de Ghost House Pictures. Fede Alvarez est partant pour réaliser le film, mais change une partie de l’histoire, le contexte est différent, mais le fil conducteur reste le même. Alvarez signe un métrage qui n’a pas froid aux yeux, membres déchiquetés par un coupe viande électrique et surabondance d’hémoglobine. Le réalisateur nous montre en détail tout ces moments morbides qui feront tourner de l’oeil les personnes qui ne supportent pas l’excès de violence. Il récupère la majorité des gimmicks de réalisation de ce qui faisait la patte de Raimi, une caméra virevoltante et plans débullés. Les accueils des critiques et du public se mettront d’accord pour dire que le film est un très bon succès, et devient un des reboots les plus appréciés. Ce qui nous amène 10 ans plus tard, avec Evil Dead Rise de Lee Cronin.
Je dois vous avouer, j’ai été assez déçu par ce film. Je suis pourtant un grand fan de cet univers, mais je n’ai pas accroché. Le réalisateur abandonne la petite cabane au fond des bois pour nous situer en plein milieu de Los Angeles dans un immeuble délabré où une petite famille réside. Il est évident qu’un peu de renouveau dans cette saga n’est pas pour me déplaire et réussir à faire quelque chose de nouveau tout en respectant le matériel d’origine est difficile. Dès le début du film, Lee Cronin se joue de nous. Il désamorce sa réalisation en abusant parfois de certaines astuces de mise en scène (c’est bon Lee, on a compris que tu savais faire des demi-bonnettes). Heureusement qu’à certains moments, le réalisateur nous offre de purs moments d’horreur filmés caméra épaules pour souvent exprimer la folie des personnages. La réalisation est plutôt inventive, mais où ça se gâte, c’est au niveau du scénario. Beth, jouée ici par Lily Sullivan vient à l’improviste voir sa soeur Ellie, mère de 3 enfants. C’est en découvrant un mystérieux livre composé d’une reliure en chaire humaine avec, dans son contenant, des pages écrites avec du sang qui déchaineront des démons directement venus des enfers. Le film jouit d’un scénario plus que classique, et c’est bien ça le problème. Je sais très bien qu’Evil Dead est connu pour son histoire assez bateau : des jeunes adolescents insouciants qui découvrent un livre sacré dans la cave d’une vieille cabane au fond des bois. C’est en récitant un dialecte interdit qu’ils délivreront sur le monde des entités malfaisantes prêtes à tout pour arriver à leur fin. Il est difficile d’écrire un scénario d’horreur original dans un monde où le cinéma existe depuis plus de 100 ans. L’utilisation de subterfuges est souvent recommandée, mais là, le film est composé d’amas scénaristiques clichés et revus. Les préparations paiements servent dans un métrage, elles nous guident vers des éléments qu’on pourrait reconnaitre et assimiler, mais quand elles sont abusives, elles ne servent qu’à prendre le spectateur par la main et à enlever toute surprise lors du visionnage.
En ce qui concerne les acteurs et actrices, ceux-ci sont le point positif du film. Lee Cronin décide d’user de ressorts comiques qui ont fait le sel des films de Sam Raimi en lui faisant souvent de gros clins d’oeil abusifs. La magnifique Alyssa Sutherland joue ici le rôle de la première possédée, mère de famille qui sera déconstruite autant au sens figuré qu’au sens propre. Parfois drôle et touchante sous forme humaine, elle ne va pas tarder à changer drastiquement après possession pour devenir un personnage plutôt flippant et doué de sarcasme. C’est au fur et à mesure de l’histoire que se dévoile le plein potentiel du personnage de Beth. Au départ, elle est assez réservée et n’a pas énormément confiance en elle pour parler aux enfants et affronter les évènements funestes. S’en suivent différentes péripéties qui feront que son personnage changera pour être quelqu’un de meilleur. C’est là que Cronin use d’un soupçon d’originalité. Que ça soit dans les films de Sam Raimi ou le Evil Dead de Fede Alvarez, il y a cette dualité qu’oppose le personnage principal qui sera forcé de se battre pour sa vie malgré le démon ayant pris possession de son corps. Et souvent, ça finit par une perte d’un membre, matérialisation du fameux dicton : combattre le mal par le mal. Voilà pourquoi j’ai été déçu, je voulais voir cette dualité dans le personnage de Beth, qu’elle soit un peu plus présente.
Les certains moments de folie et de pur plaisir se comptent sur une main, mais pour les seuls morceaux de violence et de dégueulasserie, il faut se l’avouer c’est très bien fait. Difficile malheureusement de passer devant l’orgie d’hémoglobine et d’animosité qui était présente dans la version de 2012. Ça fait partie des bases d’Evil Dead, même si celles-ci sont souvent gratuites, les scènes de violence sont à savourer comme les petits toasts présents à Noel. Etant un grand fan de cet univers si mythique, je dois l’avouer je n’ai pas boudé mon plaisir. Ce n’est pas un ratage complet, mais j’en demandais peut être un peu de trop. Au moment où j’écris ces lignes, Bruce Campbell, acteur de génie prêtant sa carrure cartoonesque au personnage de Ash dans la trilogie originelle et producteur sur Evil Dead Rise, a annoncé son désir de sortir plus de films de cet univers avec un délai bien plus rapide. Alors sommes-nous devant la mort d’un univers si riche qu’il en deviendra générique ou alors est-ce là une porte ouverte pour les réalisateurs voulant se tester en créant quelque chose d’original? Seul le futur nous le dira.
Evil Dead Rise est un condensé de choix scénaristiques clichés, mais qui a réussi à briller dans certains moments où la brutalité de la mise en scène fait écho aux scènes violentes du métrage. Un film qui va préférer user d’effets pratiques dans un monde où l’utilisation de CGI à outrance est présente dans les blockbusters actuels. Lee Cronin exprime son amour pour l’oeuvre originelle, mais ne réussit qu’à séduire de moitié.
Evil Dead Rise de Lee Cronin, 1h37, avec Lily Sullivan, Alyssa Sutherland, Morgan Davies – Au cinéma le 19 avril 2023.