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[RETOUR SUR..] The Crazy Family – Explosion du cocon familial

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Par Alexei Paire

Le cinéma de Sogo Ishii est un habitué des festivals. En 2022, son œuvre Electric Dragon 80.000 V a été présentée au PIFFF, et cette année, deux de ses créations sont visibles au Forum des Images : son nouveau long-métrage The Box Man et l’un de ses classiques les plus connus, The Crazy Family.

Qu’est-ce qu’une vie idéale ? Évidemment, c’est être marié, avoir deux enfants — un garçon et une fille — et posséder une maison suffisamment grande pour toute la famille. Eh bien, cette conception de la vie parfaite, Ishii l’explose littéralement avec The Crazy Family, qui raconte l’histoire d’une famille de quatre personnes. Après avoir acheté une belle maison en banlieue, les Kobayashi semblent vivre dans un cadre idyllique. Mais ce petit paradis se fissure avec l’arrivée du grand-père, contraint de venir vivre chez eux. Problème : il n’y a pas assez de place pour tout le monde. Ce point de départ, qui pourrait donner lieu à un drame doux-amer, rappelle en un sens Voyage à Tokyo, où les parents âgés, venus rendre visite à leurs enfants, ne sont pas véritablement les bienvenus. Pourtant, la ressemblance s’arrête là. Ishii impose sa marque avec un style fou, punk, déjanté et irrévérencieux. Le réalisateur transforme cette maison, unique lieu de l’intrigue, en un espace profondément anxiogène, presque un home invasion — mais sans envahisseurs extérieurs, puisque la menace émane des propres habitants.

Après un début parfait, presque féerique, tout bascule avec l’arrivée du grand-père. Mais il n’est pas nécessaire d’attendre cet événement pour percevoir l’excentricité de cette famille. Chaque personnage est défini par ses obsessions et incarne un stéréotype de la société japonaise : le père ne pense qu’à travailler et ramener de l’argent, la mère est dévouée au foyer, le fils est obsédé par ses examens, et la fille idolâtre ses stars préférées. En surface, tout semble parfait ; les sourires sont de mise, mais chacun est rongé intérieurement, enfermé dans son rôle par la pression sociale.

Fidèle à son style déjanté, Ishii accélère le rythme dès l’arrivée du grand-père, et les personnages sombrent peu à peu dans la folie. Le tournant survient lorsque le père décide d’agrandir la maison en creusant un trou en plein milieu. Ce motif de destruction revient souvent, symbolisant l’étouffement ressenti par les personnages, prisonniers de ces quatre murs qu’ils semblent vouloir fuir en les détruisant. Le long-métrage a sans doute influencé de nombreux réalisateurs, comme Shin’ya Tsukamoto, qui explore lui aussi cette même folie destructrice, une spirale incontrôlable. Ishii ne se censure pas et présente tous ses protagonistes comme des êtres détestables, sombrant rapidement dans la démence.

Les personnages sont archétypaux : le grand-père, représentant d’une génération marquée par la guerre, traîne avec lui les traumatismes de ce conflit qui a laissé des cicatrices indélébiles sur la société japonaise. Son arrivée permet aussi d’aborder un autre sujet : la manière dont le Japon contemporain traite ses aînés. La violence et le rejet que subit le grand-père montrent à quel point le respect pour les anciens a disparu. Malgré les efforts pour l’intégrer, sa présence devient un véritable cauchemar.

The Crazy Family est déroutant et propose une critique acerbe de la société japonaise. Le tout dans un style outrancier où chaque action flirte avec le grand-guignol. L’œuvre fait rire, mais derrière ces situations loufoques, c’est une société malade du capitalisme que dépeint Ishii. À travers cette histoire, il montre que le bonheur ne se trouve pas dans les manuels ou en suivant aveuglément le modèle capitaliste. Ce dernier ne garantit en rien l’épanouissement. Parfois, le bonheur réside simplement dans un repas partagé en famille… même après avoir tenté de les tuer et fait exploser la maison, mais c’est un détail.

The Crazy Family, de Sogo Ishii, 1h46, avec Katsuya Kobayashi, Mitsuko Baisho, Hitoshi Ueki, sorti en France en 1986.

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