Dans les années 90, Lee Harker, une jeune recrue du FBI (Maika Monroe), qui s’est illustrée grâce à ses talents de médium, est appelée pour élucider l’affaire Longlegs, du nom du tueur en série qui sévit depuis des années sans que les indices qu’il laisse délibérément derrière lui ne permettent de le retrouver. Avec son supérieur, Carter (Blair Underwood), ils parcourent les lieux caractéristiques de la campagne américaine avec ses fermes et ses banlieues pavillonnaires dans le but de clore le dossier. Indéniablement, le scénario ne brille pas par son originalité. Pour autant, et dans un premier temps, le plaisir primaire et ludique de se laisser balader par l’enquête emporte l’adhésion. Lové dans le déroulement programmatique de l’intrigue qui rejoue les stéréotypes du genre (la découverte de la scène de crime, le déchiffrage des indices, les éclaircissements du médecin légiste…), le spectateur, en terrain connu, y retrouve même des personnages hiératiques. Notamment Carter qui, avec sa voix caverneuse, son sens de l’humour, sa roublardise et sa malice, mentore la fragile et mutique Harker. Mais la frontière entre film policier et polissé est ténue.
C’est pourquoi, Longlegs ambitionne de croiser ce versant policier avec un aspect horrifique. Une horreur qui, par son approche formelle, s’inscrit pleinement dans une mode : celle de l’elevated horror. Un genre aux contours flous qui désignerait un film d’horreur irrigué par des enjeux politiques ou philosophiques, et à la plastique soignée, voire léchée. Une dénomination qui, mobilisant des films très hétérogènes (Get Out, It Follows, Midsommar), s’attache surtout à construire une contre-esthétique du cinéma d’horreur américain mainstream. En effet, avec sa photographie proprette (qui par ailleurs n’est pas sans évoquer Mindhunter), ses fondus enchaînés, son utilisation quasi systématique du plan fixe ou ses séquences qui alternent grand angle et format 4/3, le film s’attache à poursuivre ce sillon.
Mais, démultipliées puis systématisées, ces afféteries reconduisent en fait rapidement les mêmes schémas de mise en scène : un panoramique sur le lieu de la scène, quelques plans fixes silencieux, parfois appuyés par des zooms sur des objets en apparence anodins, puis les violons stridents s’intensifient jusqu’à la découverte de l’information recherchée permettant de faire avancer l’enquête. Et s’il est vrai que Oz Perkins porte une attention particulièrement réussie aux portes desquelles le danger guette toujours, la mise en scène, globalement trop automatique, n’instigue pas l’ambiance malsaine escomptée.
Enfin, le film, croulant sous des références plus ou moins appuyées, frôle même parfois le mimétisme. La mère très pieuse évoque celle de Carrie et cette sorte d’hypnose meurtrière convoque évidemment Cure de Kiyoshi Kurosowa. Longlegs souffrant de ces comparaisons tant l’enquête rejoue des tropes essorés tels que le diable, la poupée ou la nonne. Certes, réinvestir cet imaginaire stérile présente un certain sens puisque le film s’attache à démontrer que les deux piliers qui structurent les Etats-Unis, la religion et la politique, ont tendance à produire du vice ; l’un et l’autre amenant en effet à des dérives sectaires (Bill Clinton est iconisé durant tout le film) sinon meurtrières. Mais, ces thématiques dévitalisées du fait de leur énergie symbolique trop crue, trop creuse, trop familière, écartent les mystères. Un exemple : la mère, présentée comme une énigme durant une bonne partie du film, à cause de ces tropes que Perkins lui accole, est finalement libérée de ses ambiguïtés… aux dépens de l’intérêt du spectateur.
Longlegs d’Oz Perkins, 1h41, avec Maika Monroe et Nicolas Cage – Au cinéma le 10 juillet 2024
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Pierre Laudat4/10 Passable
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JACK5/10 Mid (comme disent les jeunes)Imparable sur le plan technique, marrant pour la performance clownesque de Nicolas Cage, Longlegs est tout de suite moins convaincant lorsqu'il lui faut éclaircir ses mystères. Son approche sensorielle du montage lui permet néanmoins de tenir bon jusqu'au générique.