[CRITIQUE] Le chat à neuf queues (1971) – Enquête labyrinthique sur les débuts d’un Dario Argento inspiré

Réalisateur culte marginalisé par la cinéphilie, maître de l’horreur, intransigeant et intègre, Dario Argento poursuit sa route malgré le mépris de la critique et l’indifférence de la production cinématographique formatée. Expérimentant dans chacun de ses films pour le meilleur et pour le pire, revenons sur ce qui a introduit Argento dans le panthéon des maîtres…

Synopsis : Le gardien d’un institut spécialisé dans la recherche génétique est assassiné. Le journaliste Carlo Giordani, aidé d’un aveugle, mènent l’enquête et découvrent que des chercheurs de l’institut travaillaient sur le facteur X.Y.Y. qui, selon eux, se retrouveraient chez les personnes enclines à la violence et à la criminalité. Une série de meurtres débute alors et vise à empêcher la progression de l’enquête.

Le chat à neuf queues, deuxième chapitre de la « trilogie des animaux », après L’oiseau aux plumes de cristal et avant Quatre mouches de velours gris, est le film qui s’installe entre un Dario Argento encore en partie associé aux canons traditionnels du spaghetti thriller et un réalisateur qui, avec Quatre mouches de velours gris, mais surtout avec ce chef-d’œuvre qu’est Les Frissons de l’angoisse, prouve qu’il a su créer une nouvelle forme de poésie de façon indépendante mais toujours respectueuse de la tradition. On le voit surtout dans les séquences précédant le crime qui va s’accomplir, où le niveau de suspense est le plus marqué par rapport au film précédent, et où les modes de tournage et le montage sont moins influencés par les stéréotypes techniques propres au genre du Giallo, à qui est préféré par contre l’usage sage et constant de la caméra subjective, l’attention pour les détails, l’utilisation, plus généralement, de solutions et de plans innovants.

Le rythme du film est serré. L’enquête prend de l’élan, puis s’arrête. Quand elle semble s’enliser, un nouvel indice apparaît, une nouvelle piste, une nouvelle piste à suivre, et repart, puis elle se cesse à nouveau, pour reprendre une fois de plus, et ainsi de suite. Le tout est entrecoupé par les séquences de crimes, puis assaisonné par la peur avec laquelle les protagonistes doivent vivre, en sachant que le tueur veut les tuer tous les deux. L’enquête ne possède aucun répit : rebondissements, tromperies, ambiguïtés… Cela dit, dans ce film, il y a vraiment tout, mais surtout les ingrédients pour que ce tout soit dosé avec compétence et une maniaque précision.

Le chat à neuf queues est un film qui fait peur, mais passionne, intrigue. N’importe qui ne pourrait pas en voir une partie sans arriver à la fin. Le long-métrage ne manque pas d’ironie, de comédie, souvent habilement mélangées avec la peur (cf. scène amusante du barbier), mais ne manque pas non plus de discours moins facétieux : celui sur les personnes homosexuelles et sur leurs sentiments. Des discours à peine effleurés, mais présent à plusieurs reprises dans le film.

Il convient de mentionner ensuite le portrait qu’Argento fait de ses personnages, un portrait organisé et original : Carlo Giordani est audacieux, irrévérencieux, efficace, mais il ne manque pas d’une humanité caractérisée et de sens de l’humour. Franco Arnò, ancien reporter resté non-voyant à la suite d’un choc, est une personne de grand intellect, habile et, comme on le verra, résistant, sanguin. Cependant, il est à la fois attentionné, sympathique, et toujours disposé à jouer avec sa nièce (prenez cette remarque dans le sens que vous voulez, en tout cas, le film laisse présager certaines choses).

Franco Arnò demande à sa nièce de lui tenir la manche.

Plus proche du cinéma d’Alfred Hitchcock que de la direction qu’on lui connaît maintenant (Suspiria, Phenomena), le long-métrage, en dépit de son indiscutable atmosphère baroque, est un film à l’aspect un peu plus traditionnel, plus classique, plus sobre que ne l’est L’oiseau au plumage de cristal. Un film « à l’américaine » gradué pour plaire au plus grand nombre avec une écriture plus lisse, plus ordinaire, peut-être même un peu trop pour son auteur.

Pourtant, l’innovation de la recherche formelle du cinéaste, qui n’a pas son pareil pour créer une ambiance étrange et/ou troublante, est bien au rendez-vous de cette œuvre où on retrouve avec plaisir sa remarquable stylisation visuelle riche en symbolique comme les violents découpages ou encore les différents inserts de détails en gros plan.

Le chat à neuf queues témoigne donc du fait que son auteur maîtrise déjà parfaitement le langage cinématographique et annonce l’avènement de celui qui deviendra l’un des plus grands cinéastes Italiens de sa génération. Argento signe ici une introduction filmographique remarquable.

Le chat à neuf queues est disponible sur OCS jusqu’au 31/12/2020 ou disponible à l’achat pour le support physique .

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