
Dans une envie de reprendre le concept de la pièce de théâtre Sleep No More (pièce que l’on appelle outre-Manche du “promenade théâtre” : point de scène ici, pas de place assise, l’action se passe partout au sein d’un immense immeuble, les acteurs montent et descendent les étages, traversent les pièces, vont et viennent en marchant, en courant, en se traînant) dans une version plus horrifique, viscérale : Jarand Breian Herdal commence la production de son film avec une jolie idée d’écriture. Directement sorti sur Netflix, que vaut Kadaver, le film d’Halloween (avec His House) de la plateforme ?
Synopsis : Au lendemain d’une catastrophe nucléaire, Leonora (Gitte Witt), Jacob (Thomas Gullestad) et leur fille Alice (Tuva Olivia Remman) sont au bord de la survie. Un jour, l’hôtel local invite les survivants à assister à une pièce de théâtre, avec un repas inclus, dans le cadre d’un effort caritatif pour aider les personnes dans le besoin. N’ayant pas le choix, la famille de trois personnes décide de se rendre à l’hôtel, où le directeur, Mathias (Thorbjørn Harr), présente tout l’hôtel comme scène. Les participants reçoivent des masques pour les séparer des acteurs, mais la pièce prend une tournure étrange lorsque les membres du public commencent à disparaître. La frontière entre réalité et théâtre s’estompe rapidement, jusqu’à ce qu’Alice disparaisse devant Leo et Jacob, et il n’y a plus de place pour le doute: il y a quelque chose qui cloche dans l’hôtel de Mathias.
Quand on ne comprend pas une pièce mais qu’on l’adapte quand même
On peut s’apercevoir que rien n’est énoncé quant à la forte inspiration de Kadaver envers Sleep No More. La pièce n’est jamais citée, que ce soit dans le générique ou dans les divers sites techniques tels IMDB. Tout d’abord, dans l’esprit de la majorité des spectateurs, le long-métrage peut transparaître comme une idée originale de son réalisateur à cause de sa désinformation mais ensuite, ces mêmes spectateurs passent sûrement à côté d’une autre œuvre décrite comme formidables par les personnes l’ayant vécue. Déjà, sur ce principe, ça se casse la gueule.

Kadaver s’inspire très largement mais casse le principe même de la pièce de théâtre dès son premier acte. Dans l’idée de la pièce, les spectateurs doivent porter un masque pour être différenciés des acteurs, or la famille principale ainsi que plusieurs autres spectateurs retirent leurs masques dès le départ et ce, d’une manière assez vulgaire et incompréhensible. Cela débouche sur le fait que ces spectateurs deviennent acteurs de cette mise en scène, sans liaison crédible mais avec des conséquences certaines, surtout que Leonora commence à douter alors que rien de suspect n’intervient. On est, de ce fait, dans la situation où l’on retrouve le personnage principal complètement paranoïaque, insatisfait. Dès que l’horreur commence à arriver, le concept se perd pour de l’exposition malsaine, à travers les yeux de Leonora avant qu’une conclusion des plus natives ne surgisse. Pour terminer la comparaison avec l’œuvre originale, Sleep No More est une pièce où les acteurs comme les spectateurs sont dans l’interdiction de parler. De notre point de vue, cela aurait été intéressant d’exploiter cette idée pour installer un climat et une ambiance anxiogène au long métrage, car celui-ci se base uniquement sur des sons d’ambiance redondants que l’on voit dans tout autre production de ce genre.
Je commanderai bien une petite pièce ratée
En plus de cette inspiration non assumée et complètement bancale, on pouvait croire en un film d’horreur correct. Cependant, il n’en est rien. La totalité du long-métrage est ratée ou du moins, il ne va jamais jusqu’au bout de ses idées. L’univers décrit, bien qu’intéressant dans l’exposition, ne parvient jamais à être crédible dû à des acteurs mono-expressifs et/ou en sous jeu. D’ailleurs, Gitte Witt (Leonora) campe la protagoniste, on est donc censé s’attacher à elle pour vivre ses émotions. Cependant, Witte ne réussit jamais à rendre Leonora crédible et agréable, elle en devient vite antipathique si ce n’est énervante.

Dans une moindre mesure, l’esthétique globale est affreuse, même si on remarque un très bon travail sur des décors qui paraissent malheureusement redondants au fur et à mesure du film. Jarand Breian Herdal a beau écrire des horreurs (cannibalisme, suicide, etc.), il n’arrive jamais à retranscrire ça à l’image en combinant une caméra trop paresseuse, un étalonnage aléatoire et des effets Sony Vegas “blur” complément kitsch. Tout est conforme, tout est formellement incompétent, en matière de mise en scène Jarand Breian Herdal n’a aucune idée pertinente là où dans son écriture, il ne parvient jamais à aller au bout de ses idées.
On aurait préféré être des cadavres

Au final, Kadaver restera une fausse bonne idée. Film de genre norvégien malhonnête dans son idée et ridicule dans son exécution, on en ressort frustré, avec le désagréable sentiment d’avoir perdu son temps. Il ne fallait pas y entrer, il fallait fuir d’avance.
Kadaver est disponible sur Netflix.
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