[CRITIQUE] Infernal Affairs – Le film d’action qu’Hollywood espère réaliser

Tout le monde sait que Les Infiltrés est un remake d’un film étranger, non ? Lorsque The Raid et Morse font l’objet de projets destinés aux Américains, les cinéphiles se plaignent. Mais côte à côte, Infernal Affairs et Les Infiltrés se suffisent à eux-mêmes et partagent la même ADN, et pas seulement au niveau de l’histoire. Infernal Affairs est le schéma directeur de Scorsese, et en tant que schéma, il est facile de comprendre pourquoi il tenait tant à en faire un remake avec les ingrédients Bostoniens qui ont été si bien transférés.

Infernal Affairs c’est la dynamique de jeu du chat et de la souris dans laquelle le flic est en fait une taupe (Andy Lau) et la taupe est en fait un flic (Tony Leung). Un officier supérieur, le superintendant Wong (Anthony Wong), dirige les deux flics, tandis que le chef de la mafia, Hon Sam (Eric Tsang), organise les deux membres du gang. Les histoires s’entrecroisent et s’entremêlent, car le flic et la taupe ne savent pas à quoi ressemble l’autre, malgré un bref échange dans un magasin de musique au début, où ils ne sont pas conscients du rôle clé qu’ils jouent dans la vie de l’autre. Infernal Affairs est un film au rythme effréné et à la réussite fulgurante. Les réalisateurs Andrew Lau et Alan Mak coupent vite et jouent avec le décor urbain de la ville. Dans les bureaux, nous ressentons la claustrophobie des stores gris, des bureaux et des classeurs qui entourent l’inspecteur Lau. Sur les toits, nous voyons la liberté dans la lumière scintillante du soleil et le bleu intense du ciel. En se reflétant sur les gratte-ciel en verre qui entourent les criminels et les flics, les deux sont contrôlés et cherchent la liberté. Différents acteurs interprètent les jeunes flics en formation, ce qui peut être déroutant. Mais Lau et Mak passent aisément d’une histoire à l’autre, en revenant en arrière en monochrome pour clarifier les moments où ils ne sont pas clairs.

Paisible pause en bonne compagnie

Hon Sam, le chef de gang, a été casté de main de maître. Son visage de bébé chérubin charme les jeunes hommes qui travaillent pour lui, tandis que ses yeux de fouine, lorsqu’il est confronté à Wong dans une entrevue, sont effrayants et empreints du danger qu’il fait endurer aux autres. Dans Les Infiltrés, Jack Nicholson joue son homologue américain comme un méchant profondément méprisable et terrifiant qui mord à belles dents pour attraper le rat. Eric Tsang, quant à lui, incarne une figure paternelle rebelle sympathique et un patron brutal et casse-bras sous le même déguisement. Le commissaire Wong, en comparaison, n’a pas l’ambiguïté que le personnage réclame. Notre première rencontre entre Chan et Wong laisse entrevoir un sens du devoir corrompu. Est-ce qu’il abuse de la position de l’agent secret ? Cela n’est pas vraiment clarifié et ne fait que brouiller l’introduction des personnages. Mais c’est Andy Lau qui vole la vedette. Dans le rôle de l’inspecteur corrompu, qui se déteste lui-même (mais qui cherche désespérément à échapper à son hypocrisie), son parcours est mené de main de maître. Contrairement à l’agent secret de Leung qui veut s’en sortir, Lau commence le film en tant que partisan du crime mais découvre qu’une vie honnête est préférable. À un moment donné, Leung sniffe de la cocaïne sous couverture, mais on ne sent pas qu’il est tenté par ce style de vie. La coupe nette et les traits anguleux de Lau le font passer pour un animal prédateur cherchant sa proie, mais le dernier acte révèle qu’il est en fait une proie dans la lumière, et que la mafia est plus importante qu’il ne l’avait jamais envisagé.

La conséquence identitaire

Dans ce cas, Andy Lau aurait été un ying bienvenu au yang de Leonardo DiCaprio, dans un univers alternatif. Plutôt qu’un simple geste symbolique, Scorsese rend visuellement et fièrement hommage à Infernal Affairs. Il ne s’agissait pas de voler l’histoire pour un marché international, mais de vendre le paysage urbain et les séquences incroyables qui étaient déjà en place. La chute du toit, Lau qui espionne Chan, assis dans son bureau derrière les stores, l’enveloppe à l’orthographe modifiée, tout cela figurait dans Infernal Affairs avant le lauréat de l’Oscar 2008. Incontournable du cinéma hongkongais, Infernal Affairs est le film d’action que Hollywood espère réaliser, à tel point qu’il a demandé à son plus grand réalisateur de le réimaginer. Et il n’a pas changé grand-chose.

Note : 4 sur 5.

Infernal Affairs au cinéma (en 4K) le 16 mars 2022.

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